Toujours délicate la question de l’enregistrement à l’insu d’une personne… Et toutes les jurisprudences ne sont pas homogènes sur le sujet.
En 2014, le Conseil d’État a consacré un principe de loyauté de l’employeur public envers ses agents. C’est-à-dire que par principe, aucun employeur ne peut fonder une sanction disciplinaire sur la base d’éléments obtenus de manière déloyale. Exception faite dans le cas où un « intérêt public majeur » le rendrait nécessaire…
En 2016, la jurisprudence a étendu ce principe aux agents publics à l’égard de leur employeur. Avec la même exception prévue qui, dans cette affaire jugée par la Cour Administrative D’Appel De Douai faisait défaut, aucun élément ne venant justifier l’enregistrement clandestin produit par la requérante, celui-ci ayant en conséquence été écarté des débats.
Quand on regarde deux décisions rendues cette année, par le tribunal administratif de lyon et la Cour administrative d’appel de Nancy, force est de constater que le fait d’enregistrer à leur insu un collègue ou encore un supérieur hiérarchique, est tout simplement… interdit !
Peu importe si l’auteur de l’enregistrement est l’agent lui-même ou bien un collègue à qui il a « confié » cette mission…
La lecture de ces décisions met en évidence l’indifférence des motivations de l’agent, et ainsi l’absence de prise en compte quant à ses justifications, notamment lorsqu’il se prévaut d’être victime de harcèlement.
Dans une décision rendue par le tribunal administratif de Lyon, le harcèlement moral allégué par l’agente qui a procédé à l’enregistrement de ses supérieurs à leur insu, n’a pas été établi.
Ce qui tend à marquer une différence nette avec leurs homologues du judiciaire.
Cela peut notamment s’expliquer par les devoirs de loyauté, de réserve ou encore de discrétion professionnelle imposés à tout agent public, que l’on retrouve aux articles L. 121-1 à L. 121-11 du Code général de la fonction publique.
La Cour de cassation l’a elle aussi rappelé dans un arrêt d’Assemblée plénière du 10 novembre 2017, expliquant que le principe de loyauté de la preuve s’impose aux agents publics.
Dès lors, en tant qu’agent public, enregistrer à leur insu des personnes est susceptible de constituer a minima un manquement aux obligations en qualité d’agent public…
Étiquette : fonction publique
Le harcèlement moral n’a pas toujours sa place dans la fonction publique…
📜 Classiquement, c’est la loi du 13 juillet 1983 dite « Loi Le Pors », régulièrement modifiée depuis, qui pose l’interdiction du harcèlement à l’encontre de tout agent public ET l’obligation corrélative des employeurs publics à mettre en œuvre des mesures de nature à prévenir et sanctionner de tels faits.
📕 Aujourd’hui, c’est l’article L. 133-2 du Code général de la fonction publique qui reprend cette interdiction, précisant qu’« aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Le statut des fonctionnaires protège les agents de toutes mesures de rétorsion pour avoir subi ou refusé de subir de tels faits, pour les avoir signalés ou en avoir témoignés.
Il assure également une protection spécifique à la fonction publique, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs : il s’agit de la protection fonctionnelle, dont nous vous reparlerons ultérieurement.
⚖ La jurisprudence administrative est riche : typologie d’agissements, qualité des auteurs, responsabilité des employeurs…
Le juge est de plus en plus saisi de contentieux en la matière, et n’hésite pas à sanctionner des employeurs qui n’auraient pas mis en œuvre des mesures de nature à garantir la santé et la sécurité de ses agents.
A noter : tout harcèlement qui serait par ailleurs discriminatoire est susceptible de relever de la compétence du Défenseur des droits.