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Focus sur l’agression sexuelle

📕 Le Code pénal définit l’agression sexuelle comme toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise et dans certains cas lorsqu’elle est commise par un majeur sur un mineur.

Ainsi, l’atteinte sexuelle suppose un contact physique entre l’auteur et la victime.

🏛 Classiquement, la jurisprudence criminelle a admis la qualification d’agression sexuelle lorsque le contact porte sur les 5 zones dites sexuelles, à savoir le sexe, les fesses, la poitrine, la bouche et l’intérieur des cuisses.

Dès 1985, le contentieux en la matière met en évidence que le plus grand nombre des agressions sexuelles est constitué par des attouchements ou des caresses du sexe, des fesses, des cuisses, de la poitrine, éventuellement accompagnés de baisers sur le corps ou sur la bouche.

En dehors de ces cas, la qualification d’agression sexuelle peut être déduite du contexte dans lequel l’atteinte survient. C’est ce qu’a dégagé la Chambre criminelle le 3 mars 2021 dans une affaire où un homme venu consulter une bande dessinée érotique est appréhendé par le service de sécurité d’une médiathèque après s’être assis près d’une fillette, à qui il avait effleuré la main et la jambe tandis qu’il se masturbait.

Mais dès 1997, la jurisprudence avait déjà considéré que le fait de caresser le dos de la victime en passant la main sous son pull-over était constitutif d’une agression sexuelle.

La loi appréhende l’absence de consentement par la démonstration de la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Pour reprendre ce qui a pu être dit autour de la caractérisation du viol, « le consentement est présumé » et il revient alors à la victime de prouver que les faits ont été commis par violence, contrainte, menace ou surprise.

Dès 2001, la jurisprudence indique que l’absence totale de consentement est un élément constitutif de l’infraction, tout en tempérant elle-même ce principe, indiquant qu’en cas d’absence totale de consentement, le mis en cause « devait s’apercevoir que sa victime n’était pas tout à fait consentante ».

A titre d’exemple, s’agissant de la contrainte, celle-ci peut être physique ou morale.
La Cour de cassation apprécie la contrainte in concreto en fonction de la résistance de la victime. Plus récemment, il a été jugé que la contrainte peut résulter de l’emprise quotidienne de l’auteur des faits sur la victime.

Harcèlement moral et faute de l’agent dans la jurisprudence administrative

Traditionnellement, les agissements visés au titre du harcèlement moral doivent être répétés et excéder les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Ainsi, « dès lors qu’elle n’excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l’intérêt du service […] n’est pas constitutive de harcèlement moral ».

Dans le cas de la faute commise par l’agent harcelé lui-même, la jurisprudence la prend en considération dans le cas de l’engagement de la responsabilité de l’administration, conduisant à son partage. En effet, « la circonstance selon laquelle l’agent contribue, par son attitude, à la dégradation des conditions de travail dont il se plaint, est de nature à conduire à un partage de responsabilité entre l’administration et l’agent ».

❌ A l’inverse, le juge administratif tend à rejeter la qualification de harcèlement moral lorsque l’agent a fait l’objet de procédures disciplinaires, à partir du moment où elles sont justifiées. Bien évidemment dès lors que l’administration est en mesure de justifier objectivement des raisons pour lesquelles elle a sanctionné un agent, fautif.
C’est le cas dans une affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Nancy qui démontre que l’administration, avant de révoquer son agent pour manque d’assiduité et de soin dans l’accomplissement des tâches, lui avait auparavant infligé, pour les mêmes motifs, toute la gamme des sanctions à sa disposition : deux avertissements, un blâme, et une suspension temporaire de 3 jours.

Enfin, le juge a pu retenir l’absence d’acharnement déplacé à sanctionner un agent dont les évaluations et notations font ressortir une indiscutable insuffisance professionnelle.

Jurisprudences harmonisées en matière de harcèlement sexuel sans répétition

Cela peut surprendre : traditionnellement le harcèlement s’entend de la répétition d’agissements.

📕 En effet, en matière pénale, dans sa version en vigueur depuis le 6 août 2018, l’article 222-33 du Code pénal dispose que « le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

🚨 Dès 2012, l’hypothèse de l’acte unique est envisagée puisque « est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».

🏦 Ainsi en 2014, le Conseil d’État estime que des agissements non répétés, dès lors qu’ils revêtent un certain degré de gravité, sont constitutifs de harcèlement sexuel.

💡 Mais la Cour de cassation va plus loin, puisqu’en 2017 elle admet que le harcèlement sexuel peut être constitué par un acte unique, y compris lorsque l’auteur du harcèlement n’a pas usé de pressions graves.

Absence d’obligation relative à l’enquête dans le secteur public

Contrairement à ce qui a trait dans le privé, il n’existe aucune obligation légale ou réglementaire à diligenter une enquête administrative dans le secteur public, et ceci est régulièrement rappelé par la jurisprudence administrative (CAA de Paris, 18 mars 2022, M. B. A., n° 21PA01779 ; CE, 23 novembre 2016, M. A., n° 397324).

En conséquence, il ne saurait être reproché à une autorité administrative ou territoriale de n’avoir pas procédé à une telle enquête (CE, 15 mars 2004, M. Jean-Yves X., n° 255392).

Néanmoins, cela ne saurait exonérer la personne publique de sa responsabilité ; en effet, l’administration devra apporter la preuve qu’elle a mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour prévenir et faire cesser, le cas échéant, des agissements au titre du harcèlement (CE, Sect. 24 novembre 2006, n° 256313 ; CAA Nancy, 15 novembre 2007, n° 06NC00990).

Ainsi il a été jugé que la carence de l’administration constitue une faute de service et l’administration peut être condamnée pour sa négligence et son inertie (CAA Paris, 28 mars 2017, n° 16PA03037).

🇪🇺 Vers une harmonisation européenne contre le viol : divergences et enjeux

Une directive visant à garantir un niveau minimum de protection pour les femmes victimes de violences est au cœur d’un débat tendu au sein de l’Union européenne depuis le 8 mars 2022.
L’enjeu ? Une définition commune du viol à l’échelle européenne, basée sur l’absence de consentement, une approche à laquelle la France, aux côtés de la Hongrie et de la Pologne, s’opposent fermement.

La Commission européenne estime que « l’absence de consentement devrait être un élément central et constitutif de la définition de viol, étant donné que fréquemment, le viol est perpétré sans violence physique ni usage de la force
Le texte va plus loin encore : « un consentement initial devrait pouvoir être retiré à tout moment durant l’acte, dans le respect de l’autonomie sexuelle de la victime, et ne devrait pas signifier automatiquement le consentement à de futurs actes ».

Or en France, l’article 222-23 du code pénal définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ».
Ce que l’on comprend, c’est qu’il y a une « présomption de consentement à l’acte sexuel ». C’est-à-dire que tous les actes sexuels sont réputés comme étant consentis sauf s’il y a violence, contrainte, menace ou surprise, d’après Me Anne Bouillon, avocate spécialisée dans les droits des femmes.

Si l’UE a renoncé début février à une définition communautaire du viol, les récentes déclarations d’Emmanuel Macron le 8 mars 2024 à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, s’inscrivent à rebours de la position française. Au sujet de la notion de consentement en matière de viol, le Chef de l’État a indiqué : « Je vais l’inscrire dans le droit français ».

Sources : FRANCE 24, Euractiv France, Le Monde

Nous avions écrit en décembre un article au sujet du décret du 16 décembre 2023, ouvrant la possibilité aux sage-femmes de pratiquer une IVG instrumentale.

Nous nous en étions réjouies.

💡 Toutefois il semblerait que la sphère d’application du décret ne soit pas aussi importante qu’il n’y paraît.

Explications.

📕 Ce décret vient en application de la loi Gaillot du 2 mars 2022 qui allonge le délai légal pour avorter, le portant de 12 à 14 semaines. Cette loi autorise également les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales en établissement de santé, afin d’élargir l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.

📈 On sait qu’aujourd’hui, 17 % des patientes pratiquent une IVG en dehors de leur département. Ce qui témoigne d’un accès hétérogène à l’IVG sur le territoire.

Si les sages-femmes peuvent pratiquer une IVG médicamenteuse depuis décembre 2021, le décret de 2023 leur ouvre la possibilité de réaliser des IVG dites instrumentales ou chirurgicales.

❌ En réalité, ce décret pourrait limiter de manière significative la pratique des IVG instrumentales par les sages-femmes, incluant des conditions restrictives et tutélaires.
En effet, un encadrement par 3 voire 4 médecins est requis, ce qui en pratique n’est pas forcément réalisable, eu égard aux manques d’effectifs dans ce secteur. En outre, le décret ne s’applique qu’aux aux sages-femmes travaillant dans des grands établissements de santé, ce qui là encore réduit le prisme des possibilités.

Claire Wolker, Co-présidente de l’Association nationale des sages-femmes orthogénistes, a souligné que l’IVG instrumentale est une intervention plutôt simple, moins à risque qu’un accouchement à terme lesquels sont massivement pratiqués par des sages-femmes.

🏛 Dans ces conditions, le décret ne s’inscrit pas du tout dans l’esprit de la loi Gaillot. Ce qui a conduit plusieurs associations à déposer un recours en Conseil d’État, tendant à l’annulation dudit décret.

Pourquoi l’IVG dans la Constitution est une victoire en demi-teinte

 La Loi constitutionnelle du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, comporte un article unique, qui modifie l’article 34 de la Constitution pour y inscrire que « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

🇫🇷 C’est historique car la Constitution française n’a pas été modifiée depuis 2008. Et aussi la France devient le premier pays au monde à constitutionnaliser l’IVG !

Si on peut se réjouir de cette avancée significative, il faut tout de même en nuancer les conséquences concrètes, relatives en pratique.

D’abord, ce n’est pas le droit à l’IVG qui a été constitutionnalisé, mais la liberté des femmes à recourir à l’IVG.
Juridiquement, ce n’est pas la même chose, et la différence est de taille.

Le droit implique une créance, c’est-à-dire une relation entre un débiteur et un créancier lequel doit mettre en œuvre des actions concrètes. Ce droit lui est donc opposable. C’est ce que l’on trouve en matière de droit au logement. En conséquence, un créancier défaillant peut voir sa responsabilité engagée et ainsi être condamné.

A l’inverse, la liberté, d’essence libérale, implique l’absence d’entrave à exercer telle ou telle prérogative. Comme la liberté d’aller et venir par exemple, ou encore la liberté du commerce et de l’industrie.
La liberté implique donc une contrainte moins importante qui pèse sur l’État, celui-ci n’ayant juste pas à entraver cette prérogative, mais rien ne l’oblige juridiquement à mettre en œuvre des actions pour la rendre effective.

Ainsi dans le cas de l’IVG, la liberté ne remet pas en cause la clause de conscience des médecins, la problématique des déserts médicaux ni le problème d’accès effectif à l’IVG dont on sait qu’il n’est pas uniforme sur l’ensemble du territoire.

Ensuite, si la liberté est constitutionnalisée, ses modalités ne le sont pas. Dans ces conditions, le législateur pourrait tout à fait revenir sur certaines conditions d’accès, tels que les délais de recours à une IVG.

🌈 Enfin, s’agissant du public visé, en utilisant le terme de « femmes », les parlementaires mettent de côté plusieurs catégories de populations susceptibles de tomber enceinte tels que les hommes transgenres.


📌 En conclusion, si cette avancée est historique, éminemment symbolique, et qu’elle envoie un message très fort de par le monde, il ne faut pas oublier, et l’actualité malheureusement nous le rappelle régulièrement, qu’en matière de droit des femmes, rien n’est acquis nulle part, et que les droits des femmes et des minorités restent menacés.

Condamnation de l’employeur pour défaut de conduite d’enquête suite à une dénonciation de harcèlement moral

Conformément à son obligation de sécurité, lorsqu’il est informé de faits pouvant relever d’une situation de harcèlement moral, l’employeur doit diligenter une enquête au sein de son entreprise.

Une salariée ayant informé son employeur de faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral, a par la suite, été licenciée pour insuffisance professionnelle.

Si la cour d’appel a estimé que le harcèlement moral n’était pas établi, et que dans ces conditions l’employeur n’avait pas d’enquête à effectuer, la Haute juridiction rappelle à l’inverse que, l’employeur avisé de tels faits, doit obligatoirement diligenter une enquête, que les faits soient finalement avérés ou non.

Réf. : Cour de cassation, Chambre sociale, 27 novembre 2019, 18-10.551

Le harcèlement discriminatoire est caractérisé même sans intention de nuire

🏦 C’est ce qu’il ressort d’une jurisprudence de la Chambre criminelle de 2006, ou encore d’une décision du Défenseur des droits de 2014 : le harcèlement discriminatoire peut être reconnu même si l’auteur des faits n’a pas agi avec l’intention de nuire.

Ainsi, des agissements définis par l’auteur lui-même comme portant peu à conséquence et insusceptibles d’offenser autrui, doivent toujours s’analyser au regard de la perception et du ressenti provoqués chez la personne qui les reçoit.

D’où l’appréciation éminemment subjective en matière de harcèlement discriminatoire, la blague ou l’humour dit « potache » étant susceptibles d’offenser son destinataire et d’engager la responsabilité de l’employeur qui faillirait à son obligation d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés, laquelle est, rappelons-le, une obligation de résultat.

Le harcèlement sexuel justifie la résolution judiciaire du contrat de travail


👩‍🏫 La démonstration est toujours la même en matière de harcèlement : la charge de la preuve ayant été aménagée au bénéfice des plaignants, il appartient à la personne s’estimant victime de harcèlement sexuel d’apporter des éléments de nature à présumer l’existence d’un tel harcèlement. Il revient au juge de les examiner et de les apprécier dans leur ensemble.
Dans l’hypothèse où ses éléments permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement, et pour ce faire, de démontrer que les décisions prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

🏦 Ainsi dans une affaire jugée par la Chambre sociale le 15 février 2023, la Cour de cassation a constaté que les éléments avancés par la salariée étaient susceptibles de constituer un harcèlement sexuel, qu’en outre l’employeur ne justifiait pas d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Dès lors, la Cour a pu retenir que la gravité des faits justifiait la résiliation judiciaire du contrat de travail, laquelle produisait dès lors les effets d’un licenciement nul.

Réf. : Cass., soc. 15 février 2023, n° 21-23.919