Suite et fin de la saga « Pénalisation des clients de la prostitution »

Si ce sujet s’écarte des thèmes de Callisto, il a été un thème de recherche lors de mes études en Master II (c’était il y a 10 ans…). Précisément sur l’internet légitime à la pénalisation des clients.


Dix ans plus tard, la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt sur la législation française relative à la pénalisation des clients ayant recours à l’achat de services sexuels.

En effet, dans son arrêt « M.A. et autres contre France » du 25 juillet dernier, la CEDH a estimé que la pénalisation des clients ne constitue pas une restriction disproportionnée à la vie privée des personnes prostituées, à partir du moment où cette loi tend à lutter contre la criminalité organisée, protéger l’ordre et la santé publique.

Si en apparence, on pourrait se féliciter d’une telle décision… en réalité les choses sont, comme toujours, un peu plus complexe. Notamment pour les premiers concernés, à savoir les travailleurs du sexe (TDS).

Revoyons quelques temps importants ayant abouti à cette décision :

Le point de départ : c’est la loi française du 13 avril 2016, prise 70 ans jour pour jour après la loi Marthe Richard ayant acté la fermeture des maisons closes.

En 2016 déjà, cette loi a fait débat en ce qu’elle interdisait l’achat de services sexuels. Dit autrement, elle pénalise le recours par les clients à la prostitution.

Si cette mesure peut apparaître comme étant de nature à tarir la source de la demande, en réalité dès la promulgation de la loi, travailleurs du sexe et associations ont fait part de leurs craintes quant aux conséquences insoupçonnées d’une telle législation. Et la réalité n’a pas permis de leur donner tort : malgré plusieurs travaux permettant de démontrer les effets positifs de la suppression du délit de racolage ou encore la pénalisation des clients, ces mesures ont toutefois eu des effets en termes d’accroissement de l’isolement des personnes prostituées, augmentant les pratiques clandestines. Les risques à leur encontre se sont accrus, notamment s’agissant de pratiques risquées ou encore d’actes de violence.

La procédure en interne :

D’où le recours de 261 TDS en annulation du décret du 12 décembre 2016 qui prévoit comme peine complémentaire la réalisation d’un stage de responsabilisation s’agissant notamment de l’achat de services sexuels.

Suite au rejet implicite du Premier Ministre, les requérants effectuent en recours en annulation pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat. A cette occasion, ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Ainsi saisi, le Conseil Constitutionnel a conclu le 1er février 2019, que les dispositions alors en vigueur concernant l’achat de services sexuels ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni aucun autre droit ou liberté garantis par la Constitution.

Le Conseil d’Etat à son tour rejette la requête, précisant que la loi poursuit des finalités d’intérêt général, et que les dispositions attaquées ne sauraient être analysées comme des ingérences excessives dans le droit au respect de la vie privée.

C’est suite à l’épuisement des voies de recours internes que la CEDH est saisie.

La procédure devant la CEDH :

L’angle d’attaque des requérants : en vertu de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits et libertés fondamentales, le droit au respect de la vie privée inclut l’autonomie personnelle et la liberté sexuelle. Dès lors, la restriction par une loi nationale de la possibilité pour des clients d’acheter des services sexuels constitue une ingérence dans la liberté sexuelle et partant, dans la vie privée des TDS.

D’ailleurs dans sa décision de recevabilité du 27 juin 2023, la CEDH avait indiqué que cette mesure pouvait effectivement constituer une ingérence dans la vie privée des TDS :

« Il s’ensuit que les requérants peuvent se dire victimes […] de la violation de leurs droits au titre des articles 2, 3 et 8 de la Convention qu’ils dénoncent […] ».

Néanmoins toute ingérence ne constitue pas en tant que telle la violation d’un droit. Pour établir l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée, 3 conditions cumulatives doivent être réunies :

  • L’ingérence doit être prévue par la loi ; c’est le cas ici.
  • L’ingérence doit poursuivre un but légitime, ici la lutte contre la traite d’êtres humains, les réseaux de criminalité et de proxénétisme.
  • L’ingérence doit être nécessaire et proportionnée : sur ce point, en l’absence de consensus européen sur la question, les Etats membres du Conseil de l’Europe ont une marge d’appréciation étendue. Le choix du législateur français s’est porté sur un dispositif global de lutte contre le système prostitutionnel, avec plusieurs axes : la suppression de toute disposition susceptible d’encourager le recours à la prostitution, y inclus celle des mineur(e)s, la mise en place de dispositifs de protection, de prévention et d’aide à la sortie de la prostitution.

La décision de la CEDH :

Si les requérants sont fondés à soutenir que les moyens matériels, humains et financiers alloués sont insuffisants pour rendre cette législation efficace, la CEDH relève le juste équilibre atteint par la France entre des intérêts divergents : cette loi d’une part et l’ingérence dans la vie privée des TDS. En conséquence, la CEDH a validé la loi du 13 avril 2016 pénalisant les clients ayant recours à la prostitution.

⚖ Jurisprudences récentes sur la communication du rapport d’enquête interne

💡 Quelques précisions sur l’enquête interne :
Décidée par la direction d’une entreprise, l’enquête interne a pour but de faire la lumière sur des faits susceptibles de constituer des fautes professionnelles, des manquements voire des agissements délictueux.
Cette procédure interne a pour objectif d’établir la véracité et la matérialité des faits évoqués.
Si des faits fautifs sont ainsi mis en évidence, l’employeur doit sanctionner le ou les auteurs identifiés.
Or dans l’échelle des sanctions, si celles-ci doivent être nécessaires et proportionnées à la faute commise, elles peuvent aller jusqu’au licenciement.

Toute la question est de savoir si le dossier d’enquête peut/doit être communiqué au salarié sanctionné.

Deux arrêts récents apportent des précisions sur le sujet, soulignant la délicate conciliation entre principes opposés : le contradictoire et les droits de la défense d’un côté & la protection des salariés et la confidentialité des témoignages de l’autre.

🏛 Dans un arrêt du 19 janvier 2024, la cour d’appel de Toulouse a estimé comme étant valable le refus du juge des référés de contraindre la société à la transmission d’éléments de l’enquête interne dès lors que cette transmission n’est pas indispensable.
Dans les faits, d’autres éléments que l’enquête étaient notamment mentionnés dans la lettre de licenciement, susceptibles de motiver la décision de l’employeur.

🏛 A l’inverse, à partir du moment où la personne exclue n’a pas été en mesure de connaître de manière précise les manquements qui lui sont reprochés, elle est fondée à demander la communication forcée du rapport d’enquête.
C’est ce qu’a estimé la Cour d’appel de Paris statuant en référé le 18 janvier dernier.
Plusieurs précisions quant à cette espèce : la personne exclue de l’association se trouvait être un bénévole membre du conseil d’administration et en tant que tel non assujetti aux règles relatives au droit du travail. En outre, la décision d’exclusion se basait exclusivement sur le rapport d’enquête, sans pour autant formuler de griefs précis.

En résumé, dès lors qu’une personne est licenciée, elle doit avoir une connaissance précise des manquements qui lui sont reprochés. Dès lors que cette condition est remplie, elle n’a plus d’intérêt légitime à obtenir le rapport d’enquête interne.

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Révélation de faits de nature sexuelle & préservation de l’anonymat

Révélation de faits de nature sexuelle & préservation de l’anonymat

Question ô combien d’actualité : à l’heure des mouvements de libération de la parole tels que #metoo ou #balancetonporc, comment révéler des faits de violences sexistes et sexuelles tout en préservant son anonymat ?

⚖ Le 5 juin 2024, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision s’agissant de la mise en balance de la liberté d’expression avec le droit au respect de la vie privée.

Ici la question posée en contentieux mettait en exergue deux libertés et droits qui s’opposent : la liberté d’expression d’une victime présumée d’une part, confrontée à son droit au respect de la vie privée et son droit à l’image.

👉 Les faits : un article de presse publié sur Internet a révélé des faits de nature sexuelle, avec en détail le contenu de la plainte et l’identité de la victime. Le tout illustré d’une photo de la victime côte à côte avec l’auteur présumé, l’article précisant qu’ils auraient entretenu une liaison.
La plaignante a poursuivi la société de presse pour non respect de sa vie privée et atteinte à son droit à l’image.


👨‍⚖️ L’office du juge consiste ici à mettre en balance les droits fondamentaux en cause, autrement dit le droit à la liberté d’expression face au respect de la vie privée. Doit prévaloir le droit le plus légitime, en considérant notamment la contribution de la publication à un débat d’intérêt général.

Sur ce point, rappelons une jurisprudence récente de la même chambre rendue en 2022 : la révélation par une personne, dans les médias, de l’agression sexuelle dont elle a été victime et qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de l’auteur prétendu de celle-ci, s’inscrit dans un débat d’intérêt général.

Dans l’affaire jugée en juin 2024, la différence tient au fait que la victime avait choisi de déposer plainte sans pour autant médiatiser les faits. Ceci dans les conditions garanties par la loi, notamment l’article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et l’article 9 du Code civil sur le droit au respect de la vie privée.

La cour d’appel a rejeté les demandes de la plaignante, estimant que l’article s’inscrivait dans un débat d’intérêt général, s’agissement de violences sexistes et sexuelles survenues dans un cadre professionnel et en particulier dans le milieu du cinéma.

Mais la Cour de cassation ne l’a pas entendu ainsi. Cassant l’arrêt de la cour d’appel, elle estime que l’identité d’un.e plaignant.e souhaitant rester anonyme, ne peut être révélée que si cette information contribue à nourrir le débat d’intérêt général. Ce qui n’était pas le cas ici.

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🇪🇺 Directive européenne en matière de lutte contre les violences faites aux femmes

On se souvient des rebondissements concernant le souhait de l’Union Européenne d’inclure une définition commune et harmonisée du viol dans sa législation, et des refus de certains Etats comme la Hongrie, la Pologne ou encore la France…

👏 Cela n’a pas empêché l’adoption d’une directive européenne le 7 mai dernier ! Ce texte est pionnier car il est le premier à lutter à l’échelle de l’UE contre les violences faites aux femmes.

🔎 Concrètement, la directive comprend :

Un socle de définitions communes avec la pénalisation d’actes tels que le cyberharcèlement, les mutilations génitales féminines, les mariages et stérilisations forcés, la pornodivulgation – plus connue sous le terme anglais de revengeporn.

Avec la garantie de sanctions à la clé, comme l’a indiqué le Conseil de l’UE dans son communiqué, indiquant que ces délits seront passibles de peines d’emprisonnement allant de 1 à 5 ans.

L’attention se porte aussi sur l’amélioration de la protection des victimes, visant à faciliter le parcours judiciaire. A cette fin, une assistance juridique et sociale gratuite ainsi qu’une assistante téléphonique disponible 7J/7 et accessible 24h/24 doivent être mises en place dans tous les Etats membres de l’UE, et ce dans les trois ans.

En effet, les Etats membres ont désormais 3 ans pour transposer la directive dans leur droit national.

Si l’absence de législation commune en matière de viol n’a pas pu voir le jour, cette directive est une avancée significative en matière de prévention, protection et répression s’agissant des violences faites aux femmes au niveau régional.

L’enregistrement à l’insu d’un agent de la fonction publique, une fausse bonne idée !

Toujours délicate la question de l’enregistrement à l’insu d’une personne… Et toutes les jurisprudences ne sont pas homogènes sur le sujet.

En 2014, le Conseil d’État a consacré un principe de loyauté de l’employeur public envers ses agents. C’est-à-dire que par principe, aucun employeur ne peut fonder une sanction disciplinaire sur la base d’éléments obtenus de manière déloyale. Exception faite dans le cas où un « intérêt public majeur » le rendrait nécessaire…

En 2016, la jurisprudence a étendu ce principe aux agents publics à l’égard de leur employeur. Avec la même exception prévue qui, dans cette affaire jugée par la Cour Administrative D’Appel De Douai faisait défaut, aucun élément ne venant justifier l’enregistrement clandestin produit par la requérante, celui-ci ayant en conséquence été écarté des débats.

Quand on regarde deux décisions rendues cette année, par le tribunal administratif de lyon et la Cour administrative d’appel de Nancy, force est de constater que le fait d’enregistrer à leur insu un collègue ou encore un supérieur hiérarchique, est tout simplement… interdit !
Peu importe si l’auteur de l’enregistrement est l’agent lui-même ou bien un collègue à qui il a « confié » cette mission…

La lecture de ces décisions met en évidence l’indifférence des motivations de l’agent, et ainsi l’absence de prise en compte quant à ses justifications, notamment lorsqu’il se prévaut d’être victime de harcèlement.
Dans une décision rendue par le tribunal administratif de Lyon, le harcèlement moral allégué par l’agente qui a procédé à l’enregistrement de ses supérieurs à leur insu, n’a pas été établi.
Ce qui tend à marquer une différence nette avec leurs homologues du judiciaire.

Cela peut notamment s’expliquer par les devoirs de loyauté, de réserve ou encore de discrétion professionnelle imposés à tout agent public, que l’on retrouve aux articles L. 121-1 à L. 121-11 du Code général de la fonction publique.

La Cour de cassation l’a elle aussi rappelé dans un arrêt d’Assemblée plénière du 10 novembre 2017, expliquant que le principe de loyauté de la preuve s’impose aux agents publics.

Dès lors, en tant qu’agent public, enregistrer à leur insu des personnes est susceptible de constituer a minima un manquement aux obligations en qualité d’agent public…

Petite révolution en matière de harcèlement moral : pas d’obligation d’enquête dixit la Cour de cassation !

Dire que c’est un revirement de jurisprudence est peut-être audacieux. Toutefois, il faut bien souligner que la décision de la Cour de cassation ne s’inscrit pas dans la lignée jusque là adoptée en matière de gestion des signalements.

Mais revenons-en à la législation de base :

📕 La loi fait obligation aux employeurs, privés comme publics, d’assurer la santé et la sécurité des collaborateurs placés sous leur responsabilité.
En conséquence, un employeur qui ne mettrait en oeuvre aucune mesure de nature à prévenir et faire cesser des faits de harcèlement, moral ou sexuel, d’agissements sexistes… est susceptible de voir sa responsabilité civile mais aussi pénale, engagée.

⚖ Petit tour d’horizons de la législation judiciaire en matière de harcèlement moral :

En 2014, la Cour de cassation a caractérisé le manquement d’un employeur à son obligation de sécurité, pour n’avoir conduit aucune enquête suite à plusieurs signalements pour des faits de harcèlement moral.

En 2019, elle a estimé que le fait pour un employeur informé d’allégations de harcèlement moral, qui in fine n’en étaient pas, de ne pas conduire d’enquête interne, est constitutif d’un manquement à l’obligation de sécurité, et plus particulièrement à l’obligation de prévention des risques professionnels.
Ce qui faisait dire qu’une enquête interne était acquise dès lors que des faits de harcèlement moral étaient portés à la connaissance de l’employeur.

⚡ Avec la décision du 12 juin 2024, la Cour de cassation indique que l’enquête n’est pas obligatoire en matière de harcèlement moral. Elle n’est finalement qu’une mesure parmi d’autres que l’employeur peut mettre en oeuvre pour faire cesser les faits. Puisqu’il reste débiteur de l’obligation de sécurité à l’égard de ses salariés.

Le harcèlement moral n’a pas toujours sa place dans la fonction publique…

📜 Classiquement, c’est la loi du 13 juillet 1983 dite « Loi Le Pors », régulièrement modifiée depuis, qui pose l’interdiction du harcèlement à l’encontre de tout agent public ET l’obligation corrélative des employeurs publics à mettre en œuvre des mesures de nature à prévenir et sanctionner de tels faits.

📕 Aujourd’hui, c’est l’article L. 133-2 du Code général de la fonction publique qui reprend cette interdiction, précisant qu’« aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le statut des fonctionnaires protège les agents de toutes mesures de rétorsion pour avoir subi ou refusé de subir de tels faits, pour les avoir signalés ou en avoir témoignés.

Il assure également une protection spécifique à la fonction publique, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs : il s’agit de la protection fonctionnelle, dont nous vous reparlerons ultérieurement.

⚖ La jurisprudence administrative est riche : typologie d’agissements, qualité des auteurs, responsabilité des employeurs…
Le juge est de plus en plus saisi de contentieux en la matière, et n’hésite pas à sanctionner des employeurs qui n’auraient pas mis en œuvre des mesures de nature à garantir la santé et la sécurité de ses agents.

A noter : tout harcèlement qui serait par ailleurs discriminatoire est susceptible de relever de la compétence du Défenseur des droits.

 Séparation du couple non marié et indemnité d’occupation :

Un bien acheté en commun par un couple non marié tombe sous le coup du régime de l’indivision.

📕 En vertu du Code civil, « chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision […]. »
Le même code dit encore que « l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité ».

🔎 Concrètement dès lors que la cohabitation cesse et que l’un des co-indivisaires reste dans le bien, ce dernier est redevable à l’égard de l’indivisaire parti, d’une indemnité au titre de l’occupation du logement.
Ce qui paraît logique : la propriété ne cesse pas au départ de l’un des co-indivisaires, du fait de la séparation.

🔺 Néanmoins, l’indemnité d’occupation n’est pas automatique ni systématiquement due, les indivisaires pouvant décider d’une occupation privative à titre gratuit.
Concrètement, c’est au bon vouloir des indivisaires, et spécifiquement de celui qui ne bénéfice plus de la jouissance du bien. Or dans le cadre d’une séparation conflictuelle, trouver un terrain d’entente est parfois épineux.

👩‍⚖️ En cas de désaccord, c’est au Juge aux Affaires Familiales qu’il revient de statuer, notamment pour ordonner le versement de ladite indemnité et établir son montant (calculé notamment en fonction de la valeur locative du bien).

❓Quid du versement en contre-partie d’une pension alimentaire ?
Si le co-indivisaire resté dans le logement avec les enfants doit une indemnité d’occupation, l’ex-compagnon parti ne doit-il pas verser une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ? Et si oui, les dettes sont-elles susceptibles de s’annuler ?

Effectivement, l’occupation à titre gratuit peut constituer une modalité d’exécution de l’obligation de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.
Concrètement, l’ex-compagnon resté dans le logement avec les enfants ne verse pas d’indemnité d’occupation ; en contre-partie, il ne reçoit pas de pension alimentaire ou alors, suivant les situations, une pension réduite.

❓Enfin, quel sort réserver au crédit immobilier ? Peut-on convenir que le conjoint restant dans le bien ne paye pas d’indemnité d’occupation mais prenne à sa charge l’intégralité du prêt ?

🚨 Sur ce point, attention : la séparation du couple non-marié ne met pas fin au contrat de prêt. Le créancier (la banque) est en droit de réclamer à chacun des membres co-emprunteurs le paiement des mensualités du prêt.

Cyber-harcèlement : un message de chaque auteur suffit

Classiquement, quand on entend « harcèlement », on pense immédiatement à répétition.
Et c’est vrai. Mais pas tout à fait..

Ainsi il est des cas dans lesquels le harcèlement discriminatoire peut être caractérisé à partir d’un acte unique, suffisamment grave.

📕 Et puis il y a le harcèlement dit collectif, prévu par la loi du 3 août 2018 pour réprimer le phénomène de harcèlement en ligne, plus connu sous le nom de cyber-harcèlement. Ces nouvelles dispositions permettent de réprimer l’action isolée de chaque auteur, même sans répétition, à partir du moment où il sait ou ne peut ignorer que son action s’inscrit dans une dynamique plus large qui désormais dans la loi, caractérise la répétition. C’est ce qu’on appelle le « harcèlement collectif » ou encore le « harcèlement de meute ».

🔎 Illustration : le fait de publier en ligne un seul message malveillant, dirigé contre une personne qui fait l’objet d’insultes et de menaces sur les réseaux sociaux, peut caractériser l’infraction.

👨‍⚖️ Et dans ces conditions, le juge n’est tenu ni de vérifier que le message a été lu par la personne harcelée ni d’identifier et de dater les messages émanant d’autres personnes.

Sources :
Cour de cassation, Lettre de la chambre criminelle, n°41, Juillet 2024
Crim., 29 mai 2024, pourvoi n° 23-80.806, publié au Bulletin
Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 222-33-2-2 du Code pénal

Violences économiques…

📊 Plus de 4 femmes sur 10 seront victimes de violences économiques dans leur vie.

Ceci est le résultat d’une étude IFOP menée pour Les Glorieuses en 2023.


❓ Qu’entend-on par violence économique ?

Dans la sphère conjugale, la violence économique recouvre un spectre de situations assez larges, allant du contrôle des moyens de paiement, à l’appauvrissement financier en passant par le manque à gagner d’un conjoint, qui en général se trouve être la conjointe.

Cette variation de comportements peut prendre la forme d’une spoliation des revenus propres de la conjointe, corrélée ou non de l’attribution scrupuleuse d’un pécule, pouvant aller jusqu’à la dépossession totale des moyens d’autonomie financière.

📈 Une femme a 2 fois plus de risques d’être victime de violences économiques au sein du couple si elle perçoit une rémunération moindre que son conjoint. Or on sait qu’à l’heure actuelle, dans une large majorité des couples hétérosexuels, les femmes gagnent moins que leur conjoint. Elles étaient 75% en 2011 à percevoir un revenu inférieur à leur conjoint (INSEE, étude 2014).

✅ Quels leviers pour agir sur ces situations ?

Les chiffres de l’étude IFOP mettent en avant une tendance suivant que la conjointe perçoit des revenus équivalents ou non à ceux de son conjoint :
✖ 27% des femmes avec un conjoint qui gagne beaucoup plus qu’elles ont déjà été victimes d’au moins une violence économique de la part de ce partenaire,
✖ le chiffre descend à 14% dès lors que les revenus entre conjoints sont équivalents.
Ainsi en réduisant les inégalités salariales, on pourra agir sur les violences économiques. Etant précisé que les écarts de salaires sont persistants dans la société française, et demeurent inexpliqués pour 4% d’entre eux.

Les violences économiques tendent à être moins visibles, essentiellement en raison du caractère tabou de l’argent dans notre société et de l’aspect « intime » de l’utilisation domestique des ressources financières du couple. Toutefois, elles sont souvent corrélées avec d’autres types de violence, au sujet desquelles nous avions rédigé un article à lire ici : https://lnkd.in/dz5yVZSt

Retrouvez les chiffres de cette campagne ici : https://lnkd.in/env7EQGu