Le droit français postule la liberté. Ainsi, pour caractériser l’absence de consentement, il est nécessaire de démontrer qu’il a été obtenu par violence, contrainte, menace ou surprise.
📕 C’est ce que l’on retrouve aux articles 222-23 et 222-22 du Code pénal, respectivement en matière de viol et d’agression sexuelle.
Sur ce dernier point, un arrêt du 11 septembre 2024 rendu par la Cour de cassation apporte des précisions quant à la surprise, et prend en compte les réactions cognitives possibles en cas d’agression, notamment l’état de sidération.
➡ L’état de sidération est une réaction normale à une situation de stress anormal, qui se manifeste par un blocage de toutes les représentations mentales, empêchant le sujet de réagir, bouger, parler.
Revenons sur cette affaire, et examinons sa portée :
▶ Les faits : des attouchements sur plusieurs parties du corps (jambes, sexe, poitrine, ventre) sont commis par un oncle sur sa nièce majeure, de 20 ans sa cadette, d’abord endormie puis réveillée mais dans un contexte où celle-ci ne s’est pas opposé à lui ni exprimé un quelconque désaccord.
▶ La procédure : relaxé en première instance, l’auteur est condamné en appel à 4 ans d’emprisonnement dont 2 avec sursis.
Il s’est pourvu en cassation, estimant que la victime n’ayant manifesté aucune réaction, il n’avait pu savoir qu’elle n’était pas consentante et s’était mépris sur ses intentions.
▶ Le problème juridique : est-ce que le consentement de la victime peut être déduit de son absence de réaction ?
▶ La réponse de la Cour : le consentement de la victime ne peut être déduit de la sidération causée par une atteinte sexuelle commise par violence, contrainte, menace ou surprise.
La Haute Juridiction approuve le raisonnement de la cour d’appel, estimant que le prévenu a surpris le consentement de la victime en toute connaissance de cause, puisqu’il avait lui-même constaté son état de sidération.
🛑 La portée de cet arrêt est essentielle, notamment dans la prise en compte judiciaire des conséquences de l’état de sidération, dont on estime qu’il survient à 70% dans des situations de viol.
Étiquette : agression sexuelle
Agression sexuelle : au-delà des 5 zones…
Classiquement, la jurisprudence considère qu’une agression sexuelle est caractérisée dès lors qu’un contact non sollicité est établi sur l’une des 5 zones sexuelles suivantes :
– la bouche
– la poitrine
– le sexe
– les fesses
– les cuisses/l’intérieur des cuisses.
👩⚖️ Néanmoins, la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 2021 a précisé que « si l’atteinte sexuelle qui caractérise le délit d’agression sexuelle prévu par l’article 222-22 du code pénal suppose bien un contact physique entre l’auteur et la victime, le caractère sexuel de la caresse peut être déduit de la manière dont elle est effectuée et du contexte de déroulement des faits ».
🔎 Zoom sur cette affaire :
Le lieu : une bibliothèque
Les faits : un adulte s’assoit avec une BD érotique près d’une enfant, et lui effleure à plusieurs reprises, la peau de la main, de la jambe – du mollet au genou. Le tout en se masturbant après avoir ouvert sa braguette.
Il est surpris dans cette posture par des agents de sécurité.
➡ La procédure :
En première instance : le tribunal condamne, non pas pour agression sexuelle sur mineure mais pour exhibition sexuelle.
En appel, la cour estime que « ces zones du corps (la main et la jambe de l’enfant), sans être spécifiquement sexuelles en elles-mêmes, ont été de nature à exciter le prévenu au niveau sexuel, alors que l’enfant n’avait ni la maturité ni le pouvoir de s’opposer de manière efficiente à ces attouchements de nature sexuelle ».
🆗 En cassation, la Haute juridiction valide le raisonnement de la cour d’appel, qui a estimé que les caresses visées revêtaient un caractère sexuel en raison de la manière dont elles ont été effectuées et du contexte dans lequel les faits se sont déroulés.
✅ L’apport de cet arrêt : la définition large de l’atteinte sexuelle, hors les cas des 5 zones classiquement considérées comme intimes, mais qui en raison du contexte, sont considérées comme revêtant une connotation sexuelle.
Réf : Crim. 3 mars 2021, FS-P+B+I, n° 20-82.399
Focus sur l’agression sexuelle
📕 Le Code pénal définit l’agression sexuelle comme toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise et dans certains cas lorsqu’elle est commise par un majeur sur un mineur.
Ainsi, l’atteinte sexuelle suppose un contact physique entre l’auteur et la victime.
🏛 Classiquement, la jurisprudence criminelle a admis la qualification d’agression sexuelle lorsque le contact porte sur les 5 zones dites sexuelles, à savoir le sexe, les fesses, la poitrine, la bouche et l’intérieur des cuisses.
Dès 1985, le contentieux en la matière met en évidence que le plus grand nombre des agressions sexuelles est constitué par des attouchements ou des caresses du sexe, des fesses, des cuisses, de la poitrine, éventuellement accompagnés de baisers sur le corps ou sur la bouche.
En dehors de ces cas, la qualification d’agression sexuelle peut être déduite du contexte dans lequel l’atteinte survient. C’est ce qu’a dégagé la Chambre criminelle le 3 mars 2021 dans une affaire où un homme venu consulter une bande dessinée érotique est appréhendé par le service de sécurité d’une médiathèque après s’être assis près d’une fillette, à qui il avait effleuré la main et la jambe tandis qu’il se masturbait.
Mais dès 1997, la jurisprudence avait déjà considéré que le fait de caresser le dos de la victime en passant la main sous son pull-over était constitutif d’une agression sexuelle.
La loi appréhende l’absence de consentement par la démonstration de la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Pour reprendre ce qui a pu être dit autour de la caractérisation du viol, « le consentement est présumé » et il revient alors à la victime de prouver que les faits ont été commis par violence, contrainte, menace ou surprise.
Dès 2001, la jurisprudence indique que l’absence totale de consentement est un élément constitutif de l’infraction, tout en tempérant elle-même ce principe, indiquant qu’en cas d’absence totale de consentement, le mis en cause « devait s’apercevoir que sa victime n’était pas tout à fait consentante ».
A titre d’exemple, s’agissant de la contrainte, celle-ci peut être physique ou morale.
La Cour de cassation apprécie la contrainte in concreto en fonction de la résistance de la victime. Plus récemment, il a été jugé que la contrainte peut résulter de l’emprise quotidienne de l’auteur des faits sur la victime.