Dernier rebondissement dans cette affaire, par un arrêt de la Cour de cassation du 12 juin dernier, concernant la sanction en matière d’agissements sexistes.
1️⃣ Retour sur cette affaire, en examinant d’abord les faits :
Un technicien supérieur salarié depuis plus de 20 ans au sein du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), établissement public à caractère technique et industriel, a été licencié pour faute en 2016.
2️⃣ La procédure :
Saisissant la justice pour contester cette sanction, le salarié a été débouté de ses demandes par jugement du Conseil de Prud’hommes de Grenoble le 15 février 2021.
En appel, il a obtenu gain de cause.
Par un arrêt du 2 février 2023, la cour d’appel de Grenoble établit que plusieurs agissements sexistes, constitués de propos à connotation sexuelle concernant des collègues de sexe féminin, sont matérialisés. Mais qu’aucune sanction n’ayant été prise jusque-là par l’employeur, ce dernier n’était pas fondé à licencier ce salarié en raison de ces faits.
L’employeur a formulé un pourvoi en cassation, examiné par la Haute juridiction et faisant l’objet d’un arrêt rendu le 12 juin 2024.
3️⃣ La solution :
La Cour de cassation rappelle l’obligation de sécurité à laquelle tout employeur est tenu, ce qui implique la mise en oeuvre de mesures concrètes pour assurer la santé et protéger la sécurité des salariés placés sous son autorité. Cela inclut la cessation des faits, et parmi ceux-ci ; les agissements sexistes.
👉 Elle explique que, à partir du moment où la cour d’appel a constaté la matérialité des agissements sexistes, quand bien même l’employeur n’aurait mis en oeuvre aucune mesure de sanction au préalable, ces faits constituent en eux-mêmes une faute, laquelle caractérise la cause réelle et sérieuse dans le cadre d’un licenciement.
4️⃣ La portée de cet arrêt :
Elle est significative en matière de sanction des violences sexistes et sexuelles au travail. Effectivement, la Cour de cassation explique qu’en matière d’agissements sexistes, le licenciement figure parmi les sanctions possibles.
Nous ajouterons que toute sanction devant être nécessaire et proportionnée, il convient d’individualiser les sanctions en fonction de la situation.
Catégorie : Non classé
Vous êtes employeur, RH, manager ou encore référent VSS ?
Vous êtes employeur, RH, manager ou encore référent VSS ?
Vous avez un doute sur une situation ?
Vous avez peu d’éléments, seulement quelques indices épars concernant une situation potentiellement à risque ?
Vous ne souhaitez pas signaler sans avoir davantage d’informations, mais vous ne savez pas quoi ni comment faire ?
💥 Menez des entretiens exploratoires !
L’entretien exploratoire, à mi-chemin entre l’échange informel et l’entretien d’enquête, permet de clarifier une situation, de prendre des informations en cas de risque avéré et ainsi être à même de prendre une décision quant à cette situation.
Son formalisme peu contraignant en fait un outil juridique et RH des plus utiles, dans le cadre de l’obligation de sécurité des employeurs, privés comme publics, à l’égard de leurs collaborateurs.
Pour plus d’informations, contactez nous !
Le consentement par le prisme de l’agression sexuelle, vue par la Cour de cassation
Le droit français postule la liberté. Ainsi, pour caractériser l’absence de consentement, il est nécessaire de démontrer qu’il a été obtenu par violence, contrainte, menace ou surprise.
📕 C’est ce que l’on retrouve aux articles 222-23 et 222-22 du Code pénal, respectivement en matière de viol et d’agression sexuelle.
Sur ce dernier point, un arrêt du 11 septembre 2024 rendu par la Cour de cassation apporte des précisions quant à la surprise, et prend en compte les réactions cognitives possibles en cas d’agression, notamment l’état de sidération.
➡ L’état de sidération est une réaction normale à une situation de stress anormal, qui se manifeste par un blocage de toutes les représentations mentales, empêchant le sujet de réagir, bouger, parler.
Revenons sur cette affaire, et examinons sa portée :
▶ Les faits : des attouchements sur plusieurs parties du corps (jambes, sexe, poitrine, ventre) sont commis par un oncle sur sa nièce majeure, de 20 ans sa cadette, d’abord endormie puis réveillée mais dans un contexte où celle-ci ne s’est pas opposé à lui ni exprimé un quelconque désaccord.
▶ La procédure : relaxé en première instance, l’auteur est condamné en appel à 4 ans d’emprisonnement dont 2 avec sursis.
Il s’est pourvu en cassation, estimant que la victime n’ayant manifesté aucune réaction, il n’avait pu savoir qu’elle n’était pas consentante et s’était mépris sur ses intentions.
▶ Le problème juridique : est-ce que le consentement de la victime peut être déduit de son absence de réaction ?
▶ La réponse de la Cour : le consentement de la victime ne peut être déduit de la sidération causée par une atteinte sexuelle commise par violence, contrainte, menace ou surprise.
La Haute Juridiction approuve le raisonnement de la cour d’appel, estimant que le prévenu a surpris le consentement de la victime en toute connaissance de cause, puisqu’il avait lui-même constaté son état de sidération.
🛑 La portée de cet arrêt est essentielle, notamment dans la prise en compte judiciaire des conséquences de l’état de sidération, dont on estime qu’il survient à 70% dans des situations de viol.
Le sexisme est une discrimination
Cette affirmation surprend toujours quand je l’énonce en formation.
Et pourtant, la distinction à raison du sexe est un des critères de discrimination reconnus par la loi et la jurisprudence.
📕 La loi ne distingue pas en raison du sexe (ni du genre d’ailleurs). Ainsi, toute distinction opérée quelque soit le sexe ou le genre, qu’il soit féminin, ou masculin, est prohibée.
Dans les faits, la distinction est faite le plus souvent au détriment des femmes.
🔎 C’est ce que plusieurs études ont récemment démontré :
✖ Selon le Haut Conseil à l’Égalité, dans son 6° état du sexisme en France de janvier 2024, 86% des femmes ont déjà vécu une situation sexiste, toutes sphères confondues.
✖ Au travail, d’après le Baromètre StOpE de 2023, 80% des femmes estiment que les attitudes et décisions sexistes sont « régulières au travail ».
❔Alors concrètement le sexisme, c’est quoi ?
➡ Le sexisme est un ensemble de croyances qui déterminent des processus de socialisation, comportements et attentes qui postulent, soutiennent et perpétuent une inégalité entre les femmes et les hommes au sein de la société.
Ces croyances sont basées sur des stéréotypes du genre, qui attribuent à un sexe des qualités et compétences particulières. Ce qu’aucun travail de recherche scientifique n’a permis de vérifier et d’affirmer à ce jour.
↪ Ce faisant, l’idéologie sexiste postule et perpétue la discrimination d’un sexe au détriment de l’autre.
Au sein de notre société, le masculin est davantage valorisé, et avec lui les valeurs et croyances qu’il véhicule, directement liées aux stéréotypes de genre : les hommes sont censés être forts, assertifs, ambitieux…
Tandis que le féminin et ce qu’il représente est dévalorisé ; des expressions telles que « trucs de bonne femme » sont empreintes de « sexisme hostile » selon les chercheurs en psychologie Susan Fiske et Peter Glick.
Ces considérations ne sont pas sans impacts concrets : en France, les femmes ont longtemps été considérées comme « incapables » juridiquement, c’est-à-dire frappées d’incapacité, et ne bénéficiant ainsi pas des mêmes droits que les hommes (droit de vote, liberté de travailler, de disposer d’un compte en banque…).
💹 A l’heure actuelle, rien qu’en matière salariale, on estime à 4% la discrimination qui serait faite à l’égard des femmes en matière de rémunération. Et en matière d’emploi, les difficultés concernent aussi la difficulté des femmes à accéder à certains milieux, à des postes à responsabilité…
Focus sur la protection fonctionnelle
La protection fonctionnelle, c’est quoi ? pour qui ? dans quels cas ?
La protection fonctionnelle est une mesure spécifique, propre au secteur public. C’est un dispositif de protection particulier, mis en oeuvre par l’employeur public au bénéfice de tout agent (au sens large).
Elle est organisée par le Code général de la fonction publique aux articles L. 134-1 à L. 134-12.
Au titre des bénéficiaires, tout agent public (fonctionnaire, contractuel…) peut y prétendre. Cela inclut même les anciens agents publics.
Plus spécifiquement, elle s’étend aux fonctionnaires de la Police nationale, adjoints de sécurité, agents de la Ville de Paris, sapeurs-pompiers professionnels, médecins civils de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), agents de Police Municipale, gardes champêtres (article L. 134-11 du Code général de la fonction publique)…
Le maire et les élus peuvent y prétendre, à l’exception des élus de l’opposition tel que cela ressort de la lettre de l’article L. 2123-35 du Code général des collectivités territoriales.
Sous certaines conditions, la protection peut s’appliquer au conjoint, concubin, partenaire, enfants et ascendants directs de l’agent.
La protection fonctionnelle est susceptible de s’appliquer en réponse à des faits survenus à raison des fonctions, et en dehors de toute faute personnelle commise par l’agent. Il s’agit :
– des violences et atteintes volontaires à l’intégrité physique,
– du harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel,
– des menaces, injures, diffamations et outrages.
La protection fonctionnelle n’est pas automatique. C’est-à-dire que :
– d’une part l’agent doit en faire la demande, par écrit, motivé (c’est-à-dire justifié, avec éléments tangibles au soutien de sa demande),
– d’autre part, l’employeur n’est pas tenu d’accorder cette protection. Elle est fonction des faits apportés par l’agent, et des éléments matériels qui la sous-tendent.
C’est tout frais !
l’Observatoire des Violences Sexistes et Sexuelles dans l’Enseignement Supérieur a publié le résultats de son « Enquête Intégration 2024 » concernant les rites étudiants et les violences sexistes et sexuelles au cours du parcours d’intégration dans l’enseignement supérieur.
Cette enquête, soutenue par la Fondation des Femmes, éclaire des phénomènes comme le bizutage, avec des éléments chiffrés, parmi lesquels :
– Plus d’1 étudiant.e sur 10 déclare avoir subi du bizutage
– 56,1% des répondant.es pensent que les évènements d’intégration peuvent aggraver les violences sexistes et sexuelles
– 8,5% des répondant.es déclarent avoir déjà ressenti de la peur à l’idée de se rendre dans leur établissement ou dans un environnement étudiant en raison du bizutage.
📈 En matières de VSS :
– 1 victime d’agression sexuelle sur 6 a été agressée la première semaine de sa première année d’étude
– À peine 5% des témoins ou victimes ont signalé les faits à leur établissement
– Dans plus d’1 cas sur 10, les agresseur-ses sont des organisateur.rices de l’événement.
– La moitié des répondant.es pense que les auteur-es de violences ne sont jamais puni.es, et plus de 8 répondant.es sur 10 estiment que les mesures prises contre les accusé.es sont superficielles.
L’enquête est à retrouver ici : https://lnkd.in/dmSKcRMZ
✨ Au sein de Projet Callisto, nous intervenons tant en direction des étudiants que des personnels, enseignants, administratifs ou de direction au sein d’établissements publics comme privés.
Besoin de renseignements ? N’hésitez pas à nous solliciter.
Suite et fin de la saga « Pénalisation des clients de la prostitution »
Si ce sujet s’écarte des thèmes de Callisto, il a été un thème de recherche lors de mes études en Master II (c’était il y a 10 ans…). Précisément sur l’internet légitime à la pénalisation des clients.
Dix ans plus tard, la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt sur la législation française relative à la pénalisation des clients ayant recours à l’achat de services sexuels.
En effet, dans son arrêt « M.A. et autres contre France » du 25 juillet dernier, la CEDH a estimé que la pénalisation des clients ne constitue pas une restriction disproportionnée à la vie privée des personnes prostituées, à partir du moment où cette loi tend à lutter contre la criminalité organisée, protéger l’ordre et la santé publique.
Si en apparence, on pourrait se féliciter d’une telle décision… en réalité les choses sont, comme toujours, un peu plus complexe. Notamment pour les premiers concernés, à savoir les travailleurs du sexe (TDS).
Revoyons quelques temps importants ayant abouti à cette décision :
Le point de départ : c’est la loi française du 13 avril 2016, prise 70 ans jour pour jour après la loi Marthe Richard ayant acté la fermeture des maisons closes.
En 2016 déjà, cette loi a fait débat en ce qu’elle interdisait l’achat de services sexuels. Dit autrement, elle pénalise le recours par les clients à la prostitution.
Si cette mesure peut apparaître comme étant de nature à tarir la source de la demande, en réalité dès la promulgation de la loi, travailleurs du sexe et associations ont fait part de leurs craintes quant aux conséquences insoupçonnées d’une telle législation. Et la réalité n’a pas permis de leur donner tort : malgré plusieurs travaux permettant de démontrer les effets positifs de la suppression du délit de racolage ou encore la pénalisation des clients, ces mesures ont toutefois eu des effets en termes d’accroissement de l’isolement des personnes prostituées, augmentant les pratiques clandestines. Les risques à leur encontre se sont accrus, notamment s’agissant de pratiques risquées ou encore d’actes de violence.
La procédure en interne :
D’où le recours de 261 TDS en annulation du décret du 12 décembre 2016 qui prévoit comme peine complémentaire la réalisation d’un stage de responsabilisation s’agissant notamment de l’achat de services sexuels.
Suite au rejet implicite du Premier Ministre, les requérants effectuent en recours en annulation pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat. A cette occasion, ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Ainsi saisi, le Conseil Constitutionnel a conclu le 1er février 2019, que les dispositions alors en vigueur concernant l’achat de services sexuels ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni aucun autre droit ou liberté garantis par la Constitution.
Le Conseil d’Etat à son tour rejette la requête, précisant que la loi poursuit des finalités d’intérêt général, et que les dispositions attaquées ne sauraient être analysées comme des ingérences excessives dans le droit au respect de la vie privée.
C’est suite à l’épuisement des voies de recours internes que la CEDH est saisie.
La procédure devant la CEDH :
L’angle d’attaque des requérants : en vertu de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits et libertés fondamentales, le droit au respect de la vie privée inclut l’autonomie personnelle et la liberté sexuelle. Dès lors, la restriction par une loi nationale de la possibilité pour des clients d’acheter des services sexuels constitue une ingérence dans la liberté sexuelle et partant, dans la vie privée des TDS.
D’ailleurs dans sa décision de recevabilité du 27 juin 2023, la CEDH avait indiqué que cette mesure pouvait effectivement constituer une ingérence dans la vie privée des TDS :
« Il s’ensuit que les requérants peuvent se dire victimes […] de la violation de leurs droits au titre des articles 2, 3 et 8 de la Convention qu’ils dénoncent […] ».
Néanmoins toute ingérence ne constitue pas en tant que telle la violation d’un droit. Pour établir l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée, 3 conditions cumulatives doivent être réunies :
- L’ingérence doit être prévue par la loi ; c’est le cas ici.
- L’ingérence doit poursuivre un but légitime, ici la lutte contre la traite d’êtres humains, les réseaux de criminalité et de proxénétisme.
- L’ingérence doit être nécessaire et proportionnée : sur ce point, en l’absence de consensus européen sur la question, les Etats membres du Conseil de l’Europe ont une marge d’appréciation étendue. Le choix du législateur français s’est porté sur un dispositif global de lutte contre le système prostitutionnel, avec plusieurs axes : la suppression de toute disposition susceptible d’encourager le recours à la prostitution, y inclus celle des mineur(e)s, la mise en place de dispositifs de protection, de prévention et d’aide à la sortie de la prostitution.
La décision de la CEDH :
Si les requérants sont fondés à soutenir que les moyens matériels, humains et financiers alloués sont insuffisants pour rendre cette législation efficace, la CEDH relève le juste équilibre atteint par la France entre des intérêts divergents : cette loi d’une part et l’ingérence dans la vie privée des TDS. En conséquence, la CEDH a validé la loi du 13 avril 2016 pénalisant les clients ayant recours à la prostitution.
⚖ Jurisprudences récentes sur la communication du rapport d’enquête interne
💡 Quelques précisions sur l’enquête interne :
Décidée par la direction d’une entreprise, l’enquête interne a pour but de faire la lumière sur des faits susceptibles de constituer des fautes professionnelles, des manquements voire des agissements délictueux.
Cette procédure interne a pour objectif d’établir la véracité et la matérialité des faits évoqués.
Si des faits fautifs sont ainsi mis en évidence, l’employeur doit sanctionner le ou les auteurs identifiés.
Or dans l’échelle des sanctions, si celles-ci doivent être nécessaires et proportionnées à la faute commise, elles peuvent aller jusqu’au licenciement.
Toute la question est de savoir si le dossier d’enquête peut/doit être communiqué au salarié sanctionné.
Deux arrêts récents apportent des précisions sur le sujet, soulignant la délicate conciliation entre principes opposés : le contradictoire et les droits de la défense d’un côté & la protection des salariés et la confidentialité des témoignages de l’autre.
🏛 Dans un arrêt du 19 janvier 2024, la cour d’appel de Toulouse a estimé comme étant valable le refus du juge des référés de contraindre la société à la transmission d’éléments de l’enquête interne dès lors que cette transmission n’est pas indispensable.
Dans les faits, d’autres éléments que l’enquête étaient notamment mentionnés dans la lettre de licenciement, susceptibles de motiver la décision de l’employeur.
🏛 A l’inverse, à partir du moment où la personne exclue n’a pas été en mesure de connaître de manière précise les manquements qui lui sont reprochés, elle est fondée à demander la communication forcée du rapport d’enquête.
C’est ce qu’a estimé la Cour d’appel de Paris statuant en référé le 18 janvier dernier.
Plusieurs précisions quant à cette espèce : la personne exclue de l’association se trouvait être un bénévole membre du conseil d’administration et en tant que tel non assujetti aux règles relatives au droit du travail. En outre, la décision d’exclusion se basait exclusivement sur le rapport d’enquête, sans pour autant formuler de griefs précis.
En résumé, dès lors qu’une personne est licenciée, elle doit avoir une connaissance précise des manquements qui lui sont reprochés. Dès lors que cette condition est remplie, elle n’a plus d’intérêt légitime à obtenir le rapport d’enquête interne.
Vous souhaitez en savoir plus sur l’enquête interne 👉 contactez-nous !
Révélation de faits de nature sexuelle & préservation de l’anonymat
Révélation de faits de nature sexuelle & préservation de l’anonymat
Question ô combien d’actualité : à l’heure des mouvements de libération de la parole tels que #metoo ou #balancetonporc, comment révéler des faits de violences sexistes et sexuelles tout en préservant son anonymat ?
⚖ Le 5 juin 2024, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision s’agissant de la mise en balance de la liberté d’expression avec le droit au respect de la vie privée.
Ici la question posée en contentieux mettait en exergue deux libertés et droits qui s’opposent : la liberté d’expression d’une victime présumée d’une part, confrontée à son droit au respect de la vie privée et son droit à l’image.
👉 Les faits : un article de presse publié sur Internet a révélé des faits de nature sexuelle, avec en détail le contenu de la plainte et l’identité de la victime. Le tout illustré d’une photo de la victime côte à côte avec l’auteur présumé, l’article précisant qu’ils auraient entretenu une liaison.
La plaignante a poursuivi la société de presse pour non respect de sa vie privée et atteinte à son droit à l’image.
👨⚖️ L’office du juge consiste ici à mettre en balance les droits fondamentaux en cause, autrement dit le droit à la liberté d’expression face au respect de la vie privée. Doit prévaloir le droit le plus légitime, en considérant notamment la contribution de la publication à un débat d’intérêt général.
Sur ce point, rappelons une jurisprudence récente de la même chambre rendue en 2022 : la révélation par une personne, dans les médias, de l’agression sexuelle dont elle a été victime et qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de l’auteur prétendu de celle-ci, s’inscrit dans un débat d’intérêt général.
Dans l’affaire jugée en juin 2024, la différence tient au fait que la victime avait choisi de déposer plainte sans pour autant médiatiser les faits. Ceci dans les conditions garanties par la loi, notamment l’article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et l’article 9 du Code civil sur le droit au respect de la vie privée.
La cour d’appel a rejeté les demandes de la plaignante, estimant que l’article s’inscrivait dans un débat d’intérêt général, s’agissement de violences sexistes et sexuelles survenues dans un cadre professionnel et en particulier dans le milieu du cinéma.
Mais la Cour de cassation ne l’a pas entendu ainsi. Cassant l’arrêt de la cour d’appel, elle estime que l’identité d’un.e plaignant.e souhaitant rester anonyme, ne peut être révélée que si cette information contribue à nourrir le débat d’intérêt général. Ce qui n’était pas le cas ici.
❓ Un sujet que vous souhaiteriez voir abordé ? Contactez nous !
🇪🇺 Directive européenne en matière de lutte contre les violences faites aux femmes
On se souvient des rebondissements concernant le souhait de l’Union Européenne d’inclure une définition commune et harmonisée du viol dans sa législation, et des refus de certains Etats comme la Hongrie, la Pologne ou encore la France…
👏 Cela n’a pas empêché l’adoption d’une directive européenne le 7 mai dernier ! Ce texte est pionnier car il est le premier à lutter à l’échelle de l’UE contre les violences faites aux femmes.
🔎 Concrètement, la directive comprend :
Un socle de définitions communes avec la pénalisation d’actes tels que le cyberharcèlement, les mutilations génitales féminines, les mariages et stérilisations forcés, la pornodivulgation – plus connue sous le terme anglais de revengeporn.
Avec la garantie de sanctions à la clé, comme l’a indiqué le Conseil de l’UE dans son communiqué, indiquant que ces délits seront passibles de peines d’emprisonnement allant de 1 à 5 ans.
L’attention se porte aussi sur l’amélioration de la protection des victimes, visant à faciliter le parcours judiciaire. A cette fin, une assistance juridique et sociale gratuite ainsi qu’une assistante téléphonique disponible 7J/7 et accessible 24h/24 doivent être mises en place dans tous les Etats membres de l’UE, et ce dans les trois ans.
En effet, les Etats membres ont désormais 3 ans pour transposer la directive dans leur droit national.
Si l’absence de législation commune en matière de viol n’a pas pu voir le jour, cette directive est une avancée significative en matière de prévention, protection et répression s’agissant des violences faites aux femmes au niveau régional.