Harcèlement discriminatoire en droit du travail

📕 L’article L. 1152-1 du Code du travail pose un principe général d’interdiction du harcèlement moral, indiquant parmi ses éléments constitutifs la répétition d’agissements de nature à dégrader les conditions de travail du salarié.

🏛 Si la répétitivité est un élément indispensable, la jurisprudence judiciaire a pu indiquer que lorsque le harcèlement moral prend la forme d’une discrimination prohibée, il peut être constitué même en cas de fait indésirable unique.
C’est ce qu’a décidé le Défenseur des droits dans des décisions des 1er juillet 2013 et 31 juillet 2014, suivi par la Cour d’appel de Rennes dans un arrêt rendu le 10 décembre 2014.

Ceci ne s’appliquait qu’au secteur privé uniquement et ce, pendant une période de dix ans.

👩‍⚖️ Mais récemment, la jurisprudence administrative semble avoir suivi ses homologues du judiciaire.
Dans une affaire du 5 mai 2023, le Défenseur des droits a estimé que le harcèlement moral discriminatoire peut être regardé comme constitué dès lors qu’un ou plusieurs agissements portant atteinte à la dignité, telles des injures racistes, conduisent notamment à une dégradation des conditions de travail ou de l’état de santé de la victime, y compris dans la fonction publique.

Le harcèlement discriminatoire est caractérisé même sans intention de nuire

🏦 C’est ce qu’il ressort d’une jurisprudence de la Chambre criminelle de 2006, ou encore d’une décision du Défenseur des droits de 2014 : le harcèlement discriminatoire peut être reconnu même si l’auteur des faits n’a pas agi avec l’intention de nuire.

Ainsi, des agissements définis par l’auteur lui-même comme portant peu à conséquence et insusceptibles d’offenser autrui, doivent toujours s’analyser au regard de la perception et du ressenti provoqués chez la personne qui les reçoit.

D’où l’appréciation éminemment subjective en matière de harcèlement discriminatoire, la blague ou l’humour dit « potache » étant susceptibles d’offenser son destinataire et d’engager la responsabilité de l’employeur qui faillirait à son obligation d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés, laquelle est, rappelons-le, une obligation de résultat.

Focus sur la discrimination – Partie 2 : Droit, harcèlement et discriminations

Le droit s’est saisi de la question de la discrimination, notamment au travers de la notion d’égalité et ce, à plusieurs niveaux :

Au niveau international, l’ONU, via l’article 26 du Pacte International des Droits Civils et Politiques, condamne la discrimination depuis 1966, en énonçant que « toutes les personnes sont égales devant la loi. [Elles] ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
La France a ratifié ce texte en 1980.

En France, sur le plan civil, la loi n°2001-1066 du 16 novembre 20011 relative à la lutte contre les discriminations interdisait déjà les pratiques de discrimination à tous les nivaux de la vie professionnelle.
Désormais, c’est l’article L. 1132-1 du Code du travail2 qui pose un principe général d’interdiction de la discrimination, en vertu d’une directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances.
Ainsi, le droit du travail condamne la discrimination, dans toutes les étapes du processus contractuel, que ce soit dans le recrutement, dans l’exercice d’un contrat de travail ou bien dans la rupture du contrat de travail. A cet égard, il faut bien noter qu’un licenciement discriminatoire est nul.

Sur le plan pénal, l’article 225-1 du Code pénal, incrimine le délit de discrimination, et prévoit à ce titre son champ d’application, soit 25 critères de discrimination prévus et réprimés par la loi :
« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée ».
Ce texte fait encourir 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, par exemple lorsque la discrimination fondée sur le sexe consiste à refuser d’embaucher, sanctionner ou licencier une personne en raison de son sexe3.

Un lien peut être établi, entre harcèlement et discrimination, qui peut prendre plusieurs formes :

→ Dans une première acception, il y a le harcèlement en raison d’une discrimination.
C’est ce qu’on appelle le harcèlement discriminatoire. Il ne correspond pas à tous les cas de harcèlement mais est l’une des manifestations que peut revêtir un comportement discriminatoire si celui-ci est lié à un critère de discrimination prohibé par la loi.
A titre d’illustration, une personne peut être victime de harcèlement en raison de critères de discrimination : sexe, genre, religion, origine ethnique, handicap…
Cela souligne la situation de vulnérabilité des personnes victimes de ces faits, illégaux.
A l’inverse, une personne peut être discriminée en raison du harcèlement sexuel subi ou rapporté. Lequel harcèlement sexuel peut aussi s’exercer en raison des mêmes critères de discrimination.

→ Dans une autre acception, le harcèlement est en lui-même une discrimination :
Ce lien est établi par la directive européenne susmentionnée, qui pose le principe de l’interdiction du harcèlement sexuel, considéré comme une forme de discrimination. Elle précise que « le harcèlement  et le harcèlement sexuel sont contraires au principe de l’égalité entre les femmes et les hommes et constitue une discrimination ».
C’est d’ailleurs ce qu’avait souligné le Défenseur des droits dans le cadre de l’affaire dite du harcèlement sexuel d’ambiance4, portée devant la Cour d’appel d’Orléans et sanctionnée comme tel par cette dernière5.
Plus encore, comme toutes violences sexistes et sexuelles, le harcèlement sexuel témoigne d’un rapport de domination, lequel préexiste à la situation délictuelle. En effet, c’est parce qu’il y a une relation où l’un est dominant et l’autre dominé que la survenance d’un fait de harcèlement, de discrimination, et plus largement de violences sexistes et sexuelles est rendue possible.

→ Dans une dernière acception, la sanction du harcèlement est une discrimination.
La loi du 6 août 2012 ajoute un article 225-1-1 au Code pénal, lequel précise que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou témoigné de tels faits, y compris, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés ».
Dit autrement, une mesure non fondée objectivement et visant une personne qui a subi ou refusé de subir du harcèlement sexuel, ou qui a dénoncé ou témoigné de tels faits, constitue une discrimination.
Cela s’applique même si les agissements n’ont eu lieu qu’une seule fois.
Pour rappel, le harcèlement sexuel se définit comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».
Cet article 225-1-1 du Code pénal est particulièrement intéressant, en ce qu’il permet une protection, en théorie, des personnes déjà vulnérabilisées en raison de faits de harcèlement.

En conclusion, la loi pose un cadre strict, ferme : celui de l’interdiction à tout point de vue des agissements relatifs au harcèlement, moral et sexuel, ainsi qu’aux agissements discriminatoires en ce qu’ils sont contraires au principe d’égalité qui régit notre société, et qui constitue à ce titre l’un des piliers de notre devise. Choisie 1848, elle s’inspire grandement des principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Pourtant, les lois se succèdent depuis ces deux dernières décennies, qui se veulent de plus en plus répressives à l’endroit des auteurs de tels agissements, mais qui ne semblent pas parvenir au résultat escompté ; celui de l’égalité.

1https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000588617
2https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042026716
3Article 225-2 du code pénal
4https://defenseurdesdroits.fr/a-la-une/2017/02/harcelement-dambiance-la-cour-dappel-dorleans-sanctionne-lenvironnement-de-travail
5CA Orléans, ch. soc., 7 févr. 2017, n° 15/02566. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Orleans/2017/C8D6D23B7EDBA10E4FDC3

Déploiement de l’offre de formation Callisto :

L’enquête est terminée !

Menée par Solène Bouloc dans le cadre de son stage de fin d’année (M1 Psychologie du travail et ergonomie – Université Grenoble Alpes), l’enquête qualitative sur les besoins en formation des entreprises en matière de harcèlement prend fin. Elle aura duré 3 mois.

Avant d’expliciter les résultats obtenus, un grand merci à toutes les personnes qui ont pris de leur temps pour diffuser l’enquête, la partager, la relayer, et un immense merci à toutes celles qui ont accepté d’y répondre. Votre contribution nous a été précieuse.

Retour sur le déroulement de l’enquête :

Dans un premier temps, il s’est agi d’élaborer un échantillon représentatif des entreprises locales, principalement situées dans l’agglomération grenobloise. Des entreprises de toutes tailles ont été recensées, de la très petite entreprise à des sociétés comptabilisant plus de 3.000 salariés. Des sociétés très différentes en terme de statut juridique et de réalité économique : de l’artisan à la PME, jusqu’aux aux franchises, chaînes et filiales de groupe connu à l’échelle internationale. Enfin, des entreprises de tous secteurs ont été répertoriées : industrie, mode, automobile, artisanat, sociétés de service… tous les secteurs ont été pris en compte.

Parallèlement, la réflexion a été menée autour de la création d’un questionnaire d’enquête.

Celui-ci comprend deux phases : la première a trait à une série de questions permettant au répondant de s’auto-évaluer sur la problématique particulière du harcèlement et de notions voisines, tels l’agissement sexiste ou encore l’agression sexuelle.
La seconde phase du sondage permet de faire ressortir les besoins des entreprises en matière de harcèlement, de sensibilisation au sexisme ordinaire et également de violences faites aux femmes.

L’enquête a été diffusée par différents canaux : par mail directement aux entreprises concernées, ou encore via les réseaux sociaux, tels que Linkedin ou Twitter.

Au total, un peu de moins de cent entreprises a joué le jeu, et répondu au quizz, ce qui a dépassé nos attentes en terme de participation.

Nos attentes ont aussi été dépassées s’agissant de l’intérêt des entreprises pour les formations proposées.
Seulement 9 % ont indiqué n’être intéressés par aucune formation.

Ce qu’a révélé l’enquête, c’est qu’à une très large majorité, les entreprises sont intéressées par une formation en matière de harcèlement, mais également de sexisme ordinaire.
Concrètement, 91 % des participants sont intéressés par au moins une formation, 32 % sont intéressés par les trois formations proposées.
S’agissant des dirigeants.tes et gérant.tes, ils sont 78 % à déclarer être intéressés par au moins une formation.

Fort de ce constat, Callisto est, dès à présent, à même de proposer à toute structure, entreprise, collectivité, association, une offre de formation complète, flexible, qui s’ajuste aux besoins de tous.
Cette offre s’articule autour des problématiques liées au sexisme ordinaire, aux violences sexistes et sexuelles parmi lesquelles le harcèlement, les agissements sexuels. Y sont inclues les violences conjugales puisque l’on sait désormais qu’elles ont un coût pour les entreprises : absentéisme, arrêts de travail, mal-être et baisse de productivité, autant de coûts indirects liés aux violences conjugales, difficiles à quantifier mais qui sont supportés par les entreprises.

L’offre de formation de Callisto s’adresse à toutes structures, et à toutes personnes au sein de ces structures : direction, responsable RH, managers, équipes.
Bien évidemment la formation est ajustable en fonction du public cible. Par exemple, les directions pourront être formées à l’obligation légale d’enquête qui incombe à toute direction informée de faits de harcèlement.
L’idée majeure est de pouvoir développer une culture d’entreprise partagée, sensibiliser tous les professionnels à cette question, pour pouvoir non seulement repérer le harcèlement, mais aussi aider à le faire cesser tout en connaissant les droits de chacun.

Nous contacter pour toute question, information, devis.