Articles

Actualité jurisprudentielle sur les VSS, une victoire pour les victimes

👩‍⚖️ Dans son arrêt de chambre (non définitif), rendu le 18 janvier 2024, dans l’affaire Allée c. France, la CEDH s’est prononcée à l’unanimité sur la violation de l’article 10 relatif à la liberté d’expression.

Et elle a condamné la France à indemniser cette requérante, qui dénonçait publiquement des violences sexuelles commises par son employeur et qui pour cela, a été condamnée pour diffamation.

La Cour a souligné la nécessité d’apporter la protection appropriée aux personnes dénonçant des faits de harcèlement moral ou sexuel dont elles s’estiment les victimes.
Ici, elle considère que les juridictions nationales, en refusant d’adapter aux circonstances de l’espèce la notion de base factuelle suffisante et les critères de la bonne foi, ont fait peser sur la requérante une charge de la preuve excessive en exigeant qu’elle rapporte la preuve des faits qu’elle
entendait dénoncer.
➡ En résumé, pour la CEDH, on ne peut pas demander à une victime d’apporter les preuves accablantes de ce qu’elle dénonce. Ce qui est d’ailleurs le principe en droit pénal français, avec un aménagement de la charge de la preuve en la matière…

Sur l’aspect diffamatoire des révélations, la Cour relève que le courriel envoyé par la requérante à 6 personnes dont une seulement était hors de la structure d’emploi, n’a entraîné que des effets limités sur la réputation de l’auteur présumé.

Enfin, et surtout la requérante avait été condamnée par les juridictions nationales.
Et même si l’amende était relative (500 euros en première instance), la CEDH indique que l’effet dissuasif d’une telle condamnation serait susceptible de décourager les victimes de dénoncer des VSS.

Une décision à suivre…


Réf. : CEDH, Aff. ALLÉE c. FRANCE, 2024, 001-230297

6° état des lieux du sexisme en France :

s’attaquer aux racines du sexisme
par le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes

C’est un rapport aux données alarmantes, publié le 22 janvier 2024, qui souligne que le sexisme ne recule pas, ses trois principaux incubateurs étant la famille, école, et le numérique :

– 70% des femmes estiment ne pas avoir reçu le même traitement que leurs frères dans la vie de famille, près de la moitié des 25-34 ans pense que c’est également le cas à l’école.
– Sur la sphère professionnelle, 74% des femmes n’ont jamais envisagé de carrière dans les domaines scientifiques ou techniques.
– 92% des vidéos pour enfants contiennent des stéréotypes genrés. En ligne, 75% des femmes affirment ne pas être traitées à égalité avec les hommes.

Les violences sexistes et sexuelles ne reculent pas :
– 9 femmes sur 10 déclarent avoir personnellement subi une situation sexiste.
– 37% des femmes déclarent toujours avoir vécu une situation de non-consentement, et cela concerne 50% des 25-34 ans.

La « résistance » masculine est en augmentation par rapport aux études précédentes, puisque 37% (+3 pts) des hommes considèrent que le féminisme menace leur place au sein de la société.
Plus d’un homme sur 5 de 25-34 ans considère normal d’avoir un salaire supérieur à sa collègue à poste égal.
1/4 des 25-34 ans pense qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter.

Toutefois, la population est de plus en plus consciente et tolère de moins en moins les VSS. Le rapport met en évidence le décalage entre cette prise de conscience et le maintien des stéréotypes qui continuent de forger mentalités et comportements.

D’où la préconisation du HCE : adopter un plan d’urgence visant à éduquer, réguler et sanctionner.

Pour Projet Callisto : il convient que la parole des élus sur le sujet soit impeccable, les attitudes exemplaires et que l’ensemble de la société soit formée, notamment afin de rendre effectif et efficient le traitement judiciaire des VSS.

Quelques jurisprudences de la Cour de cassation en matière d’enquête interne

En droit privé, l’enquête interne est obligatoire pour tout employeur qui a connaissance de faits pouvant s’apparenter a minima à du harcèlement, moral ou sexuel.

A défaut, l’employeur commettrait un manquement à son obligation de prévention des risques professionnels sur le fondement des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail. Et le salarié pourrait obtenir réparation du préjudice, indépendamment de toute procédure intentée par ailleurs contre l’auteur du harcèlement, et quand bien même les agissements visés ne seraient in fine pas constitués. C’est ce qu’a décidé Chambre sociale le 27 novembre 2019.

L’éventualité de l’engagement tardif d’une enquête n’est pas non plus de nature à considérer comme remplies les obligations légales de l’employeur.
Ainsi, dans une affaire jugée en mars 2022, le déclenchement tardif d’une enquête interne, alors même que l’employeur était informé de faits anciens susceptibles de constituer un harcèlement moral, constitue une faute de nature à engager sa responsabilité.

Et la Cour de cassation a confirmé la même année, qu’une enquête interne, maladroite et partiale, constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Références :
Cass. Soc., 27 novembre 2019, n°18-10.551
Cass. Soc., 23 mars 2022, n°20-23.272
Cass., soc., 6 juillet 2022, n° 21-13.631

Le Défenseur des droits a reconnu un 26ème critère de discrimination !

ℹ Et c’est la « qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur d’une alerte ou de lien avec un lanceur d’alerte » qui entre parmi la liste déjà fournie des critères de discrimination révélés.

📕 Cette évolution est le fruit de la Loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, définie depuis 2016 dans la Loi du 9 décembre 2016 dite loi Sapin II.

Les lanceurs et lanceuses d’alerte sont des personnes qui signalent ou divulguent publiquement des informations concernant des faits répréhensibles ou contraires à l’intérêt général.

Les critères cumulatifs pour être reconnus comme lanceur.se d’alerte :
– être une personne physique
– ne tirer aucune contrepartie financière directe du signalement
– être de « bonne foi », c’est-à-dire disposer d’éléments supposant la véracité des faits allégués et leur potentielle gravité rendant nécessaire ladite alerte
– avoir eu connaissance des faits à titre personnel, ou en avoir eu connaissance de façon licite dans un cadre professionnel.

La loi de 2022 renforce le statut protecteur au bénéfice des lanceur·ses d’alerte, dès lors protégés contre toute mesure de représailles disciplinaires ou discriminatoires prises en lien avec l’alerte.
Des mesures de protection particulières s’appliquent également et ce, de manière inédite, à leur entourage.

🚨 A noter que plusieurs types d’informations sont exclus du régime de l’alerte : secrets de défense nationale, secret médical, secret des délibérations, enquêtes et de l’instruction judiciaire…

Enfin, le Défenseur des Droits est compétent pour accompagner, informer, orienter, certifier le statut de lanceur.se d’alerte et offrir sa protection contre d’éventuelles mesures de représailles.

Les stagiaires bénéficient de la même protection que les salariés en matière de harcèlement moral

📕 Le Code de l’éducation pose le principe de l’applicabilité aux stagiaires, dans les mêmes conditions que les salariés, des dispositions protectrices en droit du travail, notamment en matière de harcèlement moral.

🏦 C’est ce qu’a rappelé la Première chambre civile dans une espèce jugée le 8 février 2023, et soulignant à ce titre l’office du juge en la matière.

🔎 Ainsi, à partir du moment où un stagiaire se dit victime de harcèlement, le juge doit examiner les éléments au soutien de ses déclarations. Étant précisé qu’il n’appartient pas au demandeur de rapporter la preuve, mais seulement des éléments laissant supposer l’existence d’une telle qualification.

Ainsi le juge, doit :
1) apprécier au regard de ces éléments produits, si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral ;
2) dans l’affirmative, apprécier si les personnes en charge de la formation du stagiaire, rapportent la preuve de ce que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement, mais sont au contraire justifiés par des éléments objectifs.

Ainsi l’ensemble des décisions prises à l’encontre d’un stagiaire laissant supposer l’existence d’un harcèlement, est susceptible d’être examiné par le juge. Comme dans cette espèce, où la Haute Juridiction a censuré la cour d’appel, au motif que celle-ci n’a pas recherché si la décision d’exclusion de la stagiaire était régulière, tant dans sa forme que dans son contenu.


Cass., civ. 1, 8 février 2023, 22-10.568, Inédit

Harcèlement moral : la relaxe du juge pénal n’empêche pas le juge prud’homal de retenir cette qualification

👨‍⚖️ Dans une décision du 18 janvier 2023, la Cour de cassation a rappelé l’indépendance des procédures judiciaires et des juridictions, une décision civile ne liant pas le juge pénal.

📕 C’est ce qui résulte des articles 1351 ancien du code civil et 480 du code de procédure civile, qui précisent que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique n’ont au civil autorité absolue, à l’égard de tous, qu’en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé. Pour rappel, la caractérisation de faits de harcèlement moral en droit du travail, suivant l’article L. 1152-1 du code du travail, ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel. Dans ces conditions, une relaxe au pénal pour défaut de caractérisation de l’intention peut néanmoins faire l’objet, au civil, d’une décision contraire, dans la mesure où des faits de harcèlement peuvent être caractérisés, notamment par des méthodes de management inappropriées. C’était tout l’objet de cette espèce.

👩‍💼 Rappelons à cet égard que la condamnation de méthodes de management toxiques a été rendue possible par le juge judiciaire depuis 2009 (Cass. Soc., 10 novembre 2009, n°07-45.321), ce que la jurisprudence administrative n’a, à ce jour, pas reconnu.

Cass., soc.,18 janvier 2023, 21-10.233, Inédit

CHIFFRES 2023 SEXISME

Comment se manifeste le sexisme du quotidien au travail ? 🤔

💡 En 2018, Accor, EY et L’Oréal ont créé l’initiative « Stop au sexisme ordinaire en entreprise » (#StOpE) pour partager et promouvoir les bonnes pratiques sur ce sujet.

En 2022, 48 nouvelles entreprises, administrations et associations rejoignent l’initiative portée et animée par l’AFMD. Parmi eux, Deloitte, Barilla, Veolia ou Kohler, qui portent à 199 le nombre.

Voici les chiffres dévoilés par le baromètre* 2023 de #StopE. 👇

◾ Par le biais de « blagues » : le sexisme sous la forme de l’humour constitue encore une pratique très répandue, plus des 3/4 des femmes y ont été exposées et 2/3 des hommes.

◾ Dans le quotidien professionnel : 6 femmes sur 10 ont déjà entendu des propos dégradants s’appuyant sur des représentations stéréotypées de la féminité. Cette situation a reculé de 8 points par rapport à 2021.

◾ Dans la remise en cause de leurs capacités à manager une équipe : les stéréotypes négatifs à l’égard des femmes managers sont toujours largement véhiculés : près de 7 femmes sur 10 en ont déjà entendu.

◾ Vis-à-vis de la maternité : la maternité continue d’être perçue comme un « problème » pour l’entreprise et un « handicap » pour la carrière des femmes : près de 7 femmes sur 10 font état de ce type de propos, comme en 2021.

◾ Dans l’évolution professionnelle : 50% des femmes jugent avoir déjà été confrontées à certains obstacles au cours de leur carrière en raison de leur sexe (augmentations ou primes non reçues : 36%, promotions non accordées : 31%).

➡ Quels types de manifestation du sexisme au travail avez-vous déjà observés ?

  • Consultation menée par Internet du 6 mars 2023 au 15 avril 2023 | 88 560 salariés répondants de 15 entreprises et administrations françaises signataires.

Quelques chiffres, en France :

  • 80% des femmes sont confrontées au sexisme au travail (Conseil Supérieur de l’égalité professionnelle, 2016)
  • 1 femme sur 5 est confrontée à une situation de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle (Enquête IFOP pour le Défenseur des Droits, 2018)
  • Seuls 3 cas sur 10 sont rapportés à l’employeur.e (Enquête IFOP pour le Défenseur des Droits, 2014)
  • 3 salariés sur 10 sont victimes de harcèlement moral au travail (Enquête IPSOS, 2000).

Outrage sexiste, agissement sexiste… quelles différences ?

Outrage sexiste, agissement sexiste… des qualifications similaires, récentes, dont on entend de plus en plus parler, sans vraiment savoir ce qu’elles recoupent. Les deux sont prévues par la loi et sanctionnées, certes. Mais quelles différences concrètes entre les deux ?

Ces textes ont en commun de réprimer le sexisme, qu’il soit bienveillant, hostile ou ambivalent. Si l’un a une portée générale, l’autre vise spécifiquement la sphère du travail.

L’outrage sexiste est prévu par le Code pénal à l’article 621-1. Cette infraction est récente, puisqu’elle fait son entrée dans l’arsenal juridique en 2018.

L’outrage sexiste consiste à imposer à une personne, tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

L’outrage sexiste est une infraction de type contraventionnel, qui fait encourir une amende pouvant aller jusqu’à 750 € dans ses formes simples, une aggravation pouvant porter cette somme jusqu’à 1500 €. Ces circonstances aggravantes sont notamment la commission des faits par un supérieur hiérarchique qui abuserait de ses fonctions, ou encore une victime mineure…

L’agissement sexiste est prévu par le Code du travail depuis la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, qui crée un article L. 1142-2-1 lequel énonce que « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

La définition est fort ressemblante avec la définition du Code pénal, avec des conditions cumulatives :

  • le caractère subi de l’acte, marqué par une absence de consentement
  • le caractère stéréotypé en raison du sexe, étant précisé qu’il est susceptible de concerner tant les stéréotypes masculins que féminins,
  • l’atteinte à la dignité de la personne ou la conséquence de créer un environnement délétère, ces conditions impliquant que l’agissement puisse être non intentionnel.

En termes de sanctions, le Code du travail prévoit des sanctions disciplinaires, c’est-à-dire que l’employeur peut sanctionner l’auteur d’un agissement sexiste sur le fondement de son pouvoir de direction : avertissement, blâme…

Les différences tiennent donc à la source et à ses conséquences : Code pénal pour l’un avec des sanctions pénales, Code du travail pour l’autre avec des sanctions disciplinaires. A noter que l’une n’est pas exclusive de l’autre ; un salarié qui dénonce un agissement sexiste en entreprise, peut tout à faire déposer une plainte pour outrage sexiste.

L’enquête interne, en quelques mots…

C’est quoi ?

Il s’agit une procédure d’examen déclenchée au sein d’une structure, visant à établir la matérialité de faits rapportés à la direction et qui peuvent s’apparenter à des faits délictueux de type violences sexistes et sexuelles, harcèlement…

Ce n’est pas une procédure disciplinaire. Si les faits sont avérés par le rapport final de l’enquête interne, une procédure disciplinaire peut effectivement avoir lieu ensuite et conduire à des sanctions, mais ce n’est pas la finalité de l’enquête interne.

Que dit la loi ?

Dans le secteur privé : obligation est faite à l’employeur de mener une enquête interne dès lors qu’il a connaissance de faits a minima constitutifs de harcèlement. La loi et la jurisprudence sont très claires à ce sujet.
Dans le secteur public : d’abord érigée en recommandation, il s’agit désormais d’une obligation, depuis une circulaire du 9 mars 2018 pour la fonction publique qui prévoit qu’une administration saisie de faits de harcèlement, doit diligenter une enquête interne.

Et en pratique ?

C’est la direction qui déclenche l’enquête interne. En sachant que si les faits proviennent de la direction elle-même et/ou qu’elle n’agit pas, des acteurs externes (rectorat pour la fonction publique, inspection du travail) peuvent être saisis.
L’enquête, tous secteurs confondus, doit démarrer dans les plus brefs délais, en réalité immédiatement dès la connaissance des faits.

Quelles sanctions ?

Une enquête mal faite, réalisée partiellement, ou encore non conduite, engage la responsabilité de l’employeur, tant dans le privé que dans le public.

L’enquête doit respecter un certain nombre de principes : contradictoire, impartialité, qu’il peut être difficile à mettre en œuvre en étant à la fois juge et partie. Dans cette optique, outre une formation à la conduite d’enquête, il est possible d’externaliser l’enquête => Callisto peut vous aider ! Contactez-nous !

Callisto fait sa rentrée !

Callisto évolue… pour mieux vous servir.

Le site de Callisto a fait peau neuve : plus clair, plus lisible, une offre de services affinée.

Callisto, c’est 3 axes d’intervention :

– l’audit, pour une expertise ponctuelle et analyse systémique de structures

– l’accompagnement, pour une mise en conformité de votre structure adaptée à vos spécificités

– la formation : sexisme, harcèlement, violences sexistes et sexuelles… rien ne change, mais les contenus évoluent en fonction des législations et jurisprudences. Découvrez également notre module spécifique à la formation relative à la conduite d’enquête interne. Notez en outre que Callisto propose un service d’externalisation d’enquête interne, pour plus d’impartialité et de sérénité pour les entreprises.

A découvrir dans l’onglet NOS MISSIONS : https://projet-callisto.fr/nos-missions/