Protection contre les mesures de rétorsion

Les représailles, encore appelées mesures de rétorsion, sont des agissements illicites susceptibles de survenir en milieu professionnel dans des situations et contextes variés.

Elles peuvent émaner d’un ou plusieurs collègues, comme de supérieur(s) hiérarchique(s) voire de l’organisation dans son ensemble.

Tant le Code du travail que le Code général de la fonction publique prohibent ce type de mesures.
Par exemple, un salarié ayant subi, refusé de subir ou dénoncé un harcèlement (qu’il en soit victime ou témoin), ne saurait faire l’objet de mesures, telles des sanctions déguisées ou des décisions impactant négativement son évolution professionnelle…

Le Conseil d’État d’État a rappelé que la victime de discrimination, de harcèlement sexuel ou discriminatoire ne peut se voir imposer un changement d’affectation, une mutation ou un détachement, que si aucune autre mesure, prise notamment à l’égard des auteurs des agissements, n’est de nature à préserver la santé de l’agent ou satisfaire l’intérêt du service (CE, 19 décembre 2019, n° 419062).

D’autres mesures ont pu être qualifiées de rétorsion, et ainsi déclarées illicites :
– l’envoi d’un courrier particulièrement offensif remettant en cause de façon injustifiée le comportement de la signalante (Défenseur des droits, déc. n° 2020-223 du 19 novembre 2020)

– la mutation d’une salariée suite à son signalement et le fait de la contraindre à des contre-visites médicales abusives (Défenseur des droits, déc. n° 2021-239 du 31 août 2021)

– le fait pour l’employeur qui a certes sanctionné l’auteur du harcèlement, mais également contraint la victime présumée à télétravailler, à une dispense d’activité rémunérée ou à l’inciter fortement à changer ses conditions de travail pendant ou après l’enquête interne (Cour de cassation, chambre sociale, 17 février 2021, n° 19-18.149)

– le licenciement, après enquête, d’une victime présumée pour faute grave en raison de certains termes employés dans son courrier de signalement (Défenseur des droits, déc. n° 2022-083 du 31 août 2022)

– le licenciement d’une salariée pour avoir évoqué son signalement auprès de la caisse d’assurance maladie (Défenseur des droits, déc. n° 2022-234, 3 janvier 2023)

– la menace par l’employeur de poursuites judiciaires de façon injustifiée (Défenseur des droits, déc. n° 2024-105 du 11 juillet 2024).

🌞 Quelques décisions jurisprudentielles en matière de pouvoir disciplinaire dans la fonction publique

❓ La question se pose régulièrement de connaître l’étendue du périmètre des agissements susceptibles de tomber sous le coup d’une sanction disciplinaire, notamment au sujet des faits commis en dehors du lieu et du temps de travail :

A ce titre, le Conseil d’État a estimé valable la sanction pour des faits commis en dehors du service, ayant porté atteinte à la réputation de l’administration même si la faute n’a en réalité, pas de lien avec le service (CE. SSR. 24 juin 1988, Secrétaire d’Etat aux postes et télécommunications, n° 81244 ; CE, 27 février 2019, n° 410644).

A l’inverse, des faits d’ordre purement privé et sans retentissement au sein du service, ne sont pas susceptibles de fonder une sanction (CE. SSR. 15 juin 2005, n° 261691). Toutefois, une jurisprudence d’appel plus récente tend à remettre en cause cette appréciation, considérant que des faits commis en dehors du service sont susceptibles de faire l’objet d’une sanction disciplinaire alors même qu’ils ont été sans impact sur la réputation de la collectivité (CAA Nantes, 22 avril 2016, N° 14NT01834).

Même dans la circonstance où les faits n’aient connu aucune publicité et n’aient pas porté atteinte à la réputation de l’administration, ils peuvent donner lieu à sanction si leur gravité les rend incompatibles avec les fonctions effectivement exercées par l’agent (CE. SSR. 27 juillet 2006, Agglomération de la région de Compiègne, n° 288911).

Etant précisé que pour l’employeur public, la preuve peut être rapportée par tout moyen, dans la limite du respect de l’obligation de loyauté due aux agents (CE, 16 juillet 2014, n°355201). Cette obligation de loyauté étant identique en matière d’emploi privé (Cour de cassation, chambre sociale, 22 mai 1995, Manulev Service, n°93-44.078, Bull. 1995, V, n° 164).

⚖️ Avancées en matière de harcèlement moral au travail…

Ça n’a peut-être l’air de rien, mais en mars dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt de principe en matière de caractérisation du harcèlement moral en droit du travail.

En effet, le 11 mars 2025, la Chambre sociale a indiqué que la dégradation effective des conditions de travail ou de l’état de santé n’est pas une condition nécessaire. Qu’est-ce que ça implique ?

Revenons à nos essentiels :

📕 Le harcèlement moral, d’après le Code du travail, c’est la réunion de plusieurs conditions :
➡️ des agissements
➡️ répétés
➡️ qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de :
〰️ porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié
〰️ d’impacter sa santé, physique ou mentale
〰️ de compromettre son avenir professionnel.

Or dans cette décision récente, en cohérence avec la législation en vigueur, la Cour de cassation indique qu’il n’est désormais pas nécessaire de démontrer la réalité de la dégradation des conditions de travail, celle-ci ne pouvant être qu’hypothétique au regard des éléments de faits apportés de manière globale.

Cette décision marque un pas en matière sociale.
A noter que dès 2011, la Chambre criminelle avait reconnu en matière pénale cette possibilité indiquant que « la simple possibilité d’une dégradation des conditions de travail suffit à consommer le délit de harcèlement moral » (Cass., crim., 6 décembre 2011, n°10-82.266 ; Cass., crim., 14 janvier 2014, n°11-81.362).

Ce qui constitue ici finalement un alignement des jurisprudences sociales et criminelles en la matière.