Le 8 octobre dernier, la Cour de cassation a rappelé que le harcèlement moral s’entend non pas d’un fait isolé mais d’une pluralité de faits.
C’est bien l’esprit de la loi ; l’article L. 1152-1 du Code du travail faisant état d’agissements répétés.
❌ Or la COUR D’APPEL DE BORDEAUX avait estimé que les faits rapportés ne caractérisaient pas une situation de harcèlement moral à l’égard de la salariée. Les juges du fond retenant comme seul élément matériel établi la police de caractère et la couleur rouge utilisées par son supérieur à son égard.
✅ La Haute juridiction rappelle l’aménagement probatoire en la matière, à savoir que la personne s’estimant victime doit apporter des éléments rendant probable la possibilité du harcèlement allégué, à charge pour l’employeur de démontrer en réponse, que ces éléments sont objectifs, exempts de tout harcèlement.
✅ Or dans cette affaire, la Cour de cassation souligne que les juges du fond ne se sont pas prononcés sur d’autres éléments apportés par la plaignante, à savoir plusieurs obligations faites à son égard, et notamment celles de :
– réaliser des heures supplémentaires non rémunérées,
– travailler le soir et les week-end,
– reporter d’une semaine son départ de congé,
– faire passer les messages désagréables aux autres collaborateurs.
Par ailleurs, la Cour relève un contrôle accru de ses pauses par son supérieur, lequel tenait également des propos dévalorisants à son égard, outre une mise à l’écart consécutive à la dénonciation des faits, dont nous rappellerons qu’elle constitue une mesure de rétorsion, interdite par la loi (article L. 1152-2 du Code du travail).
Ainsi la Cour de cassation estime que la cour d’appel n’a pas tenu compte des éléments qui étaient présentés par la requérante, que le harcèlement ne s’entend pas d’un fait isolé mais d’un ensemble de faits.
✅ Dernière précision : la salariée avait été déboutée en appel de ses demandes d’indemnisation liées au manquement de son employeur à son obligation de sécurité. Les juges du fond justifiant ce refus par le fait que le harcèlement n’était pas fondé.
A ce titre, la Cour de cassation précise que l’obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral, et ne se confond pas avec elle.
Réf. : Cass., soc., 8 octobre 2025, n°23-23.759
CA Bordeaux, 30 mars 2023, RG n° 21/02121
Étiquette : sécurité
⚠️ Extension de l’obligation de sécurité aux locaux des sociétés où intervient le salarié
Dans un arrêt du 11 juin 2025, la Cour de cassation explique que l’obligation de sécurité s’étend aux sites des sociétés clientes dans lesquels ses salariés sont susceptibles d’intervenir.
Voyons comment la Haute juridiction en arrive à dégager ce principe.
1️⃣ Les faits : à la suite d’un accident du travail, un salarié se voit autoriser la reprise sous conditions. En effet, le médecin du travail interdit le port de charges supérieures à 10 kilos et la manipulation de charges excepté à l’aide d’un chariot électrique.
Le salarié est alors affecté par l’employeur sur un autre site.
Plus tard, il assigne son employeur, estimant que celui-ci n’a pas respecté son obligation de sécurité.
2️⃣ Le coeur du litige :
Le salarié estime qu’il appartient à son employeur de vérifier si les lieux de livraison des clients chez qui il effectue ses tournées, disposent des équipements préconisés par la médecine du travail. La plupart des sites visités ne disposaient pas de ces matériels.
3️⃣ En appel, la juridiction estime que ces manquements se produisent chez des sociétés extérieures à celle de l’employeur, et que celui-ci ne peut pas avoir connaissance de tels manquements si le salarié ne l’en informe pas.
4️⃣ La Cour de cassation ne l’entend pas ainsi, et casse l’arrêt de la cour d’appel.
👉 Elle rappelle les dispositions du Code du travail relatives aux propositions faites par le médecin du travail et à l’obligation de sécurité dont l’employeur est débiteur à l’égard de ses salariés.
Dès lors, l’employeur tenu d’une telle obligation doit s’assurer de l’effectivité des mesures préconisées. Ce qui n’était pas le cas en pratique.
Réf. : Cour de cassation, Chambre sociale, 11 juin 2025, n°24-13.083
🚨 L’employeur doit réagir dès qu’il a connaissance des faits !
C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 9 avril dernier, dans lequel elle souligne que l’employeur informé des faits signalés, qui prend les mesures nécessaires et appropriées pour protéger la santé et la sécurité de son salarié, ne méconnaît pas son obligation de sécurité.
Dit autrement : il ne peut être reproché à un employeur de n’avoir pas pris de mesures utiles si celui-ci n’était pas informé des faits visés.
C’était le cas dans cette affaire, où une salariée licenciée reprochait à son ancien employeur des faits en date de 2012 pour lesquels elle n’a informé sa hiérarchie qu’en 2017, date à laquelle l’employeur a conduit un certain nombre de mesures notamment une enquête interne.
Dès lors la juridiction a considéré que l’employeur, immédiatement après avoir été informé, a réagi, ce qui ne peut caractériser un manquement à son obligation de sécurité.
Cet arrêt rappelle à l’inverse, qu’un employeur destinataire d’un signalement pour des faits quels qu’ils soient, qui ne réagirait pas ou réagirait tardivement, serait susceptible d’engager sa responsabilité pour manquement à ladite obligation.
Réf. : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 avril 2025, 23-22.121