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🏛️ Cour européenne des droits de de l’homme, 23 janvier 2025, H.W. contre France, requête n° 13805/21

⚠️ Le prononcé du divorce aux torts exclusifs de la requérante pour non-respect du devoir conjugal emporte violation du droit au respect de la vie privée.

➡️ Les faits :
Un divorce pour faute a été prononcé aux torts exclusifs de l’épouse au motif qu’elle avait cessé d’avoir des relations intimes avec son conjoint.
La requérante ne se plaint pas du divorce, mais des motifs pour lesquels il a été prononcé.

🇫🇷 La position du droit français et des juridictions françaises:
Au regard des dispositions du Code civil (articles 211 à 226, 242), le refus de se soumettre au devoir conjugal peut être considéré comme une faute, qui justifie le prononcé du divorce. Des conséquences indemnitaires peuvent être à prévoir.

⚖️ La décision de la Cour Européenne des Droits de L’Homme :
La Cour a jugé que le « devoir conjugal » mentionné dans l’ordre juridique français ne prend pas en considération le consentement aux relations sexuelles.
Elle en a conclu à la violation de l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale), estimant que la réaffirmation du devoir conjugal et le prononcé du divorce aux torts exclusifs de la requérante ne reposaient pas sur des motifs pertinents et suffisants. Les juridictions internes n’ayant pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu.

Accès au communiqué de presse et à la décision ici 👉 https://shorturl.at/WL1i6

🆕 L’état du sexisme en France…

A l’heure où le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes a rendu son avis annuel, le constat s’inscrit dans la lignée de celui de l’an passé ; la société française reste sexiste, avec des inégalités persistantes.

📈 Voyons quelques chiffres issus de ce rapport :

➡️ 6 personnes interrogées sur 10 considèrent qu’il est difficile d’être une femme. Constat partagé par 94% des femmes âgées de 15 à 24 ans (soit une hausse de 14 points par rapport à 2023) contre 67 % des hommes (soit une hausse de 8 points).

➡️ Dans les médias :
– En terme de visibilité, le taux de parole des femmes sur l’ensemble des émissions ne dépasse pas 36 % depuis 2019.
– Sur les chaînes d’info, le traitement des VSS est en hausse de 17 % entre 2019 et 2024, mais le discours sexiste reste important, mal détecté et donc rarement puni. Le rapport pointe des lacunes en terme de formation des journalistes et présentateurs, et le manque de contrôle notamment de l’Arcom.

➡️ S’agissant des inégalités de traitement entre les femmes et les hommes : les plus fortes sont perçues dans le monde du travail (pour 76% des personnes interrogées), dans la rue et les transports (71%), et enfin dans le monde politique (70%).

Le HCE mesure de manière objective un sentiment de révolte concernant les situations les plus violentes tant chez les femmes que chez les hommes face à des situations sexistes voire constitutives de harcèlement sexuel.
A l’inverse, il révèle une stabilisation voir un recul concernant d’autres situations perçues comme plus ordinaires (mansplaining, blague sexiste…), ce qui tend à rendre difficile la prévention et la lutte contre le sexisme dans la société, soulignant « une tolérance encore forte du sexisme et un déni de sa dimension systémique ».

➡️ Le baromètre 2025 met en évidence une augmentation des stéréotypes sexistes :
– Les femmes doivent être fidèles en amour pour 76% des répondants, soit 6 points de plus que l’an dernier
– Les femmes doivent avoir peu de partenaires sexuels pour 42 % des répondants soit 6 points de plus que l’an dernier
– Les femmes sont naturellement plus douces que les hommes pour 60% des répondants.

➡️ Sur le consentement : 40% des femmes interrogées déclarent avoir subi au moins une situation de non-consentement, soit 3 points de plus que l’an dernier.

➡️ Enfin 94 % des Français·es considèrent que les hommes ont un rôle à jouer dans la prévention et la lutte contre le sexisme dans la société.

Le rapport en entier, à lire ici 👉 https://shorturl.at/Kgjdz

💥 Dernière actu en matière de harcèlement sexuel d’ambiance !

La Cour d’appel de Paris a eu l’occasion de se prononcer, le 26 novembre dernier, sur la notion de harcèlement sexuel d’ambiance, lequel se caractérise par un environnement de travail sexiste de nature à porter atteinte à la dignité des salariés, et en particulier des femmes.

🔎 Les faits de l’espèce :

➡️ Deux salariées sont affublées de surnom genré à connotation négative, dont l’une se plaint à son supérieur. Ce dernier ne réagit pas ni fait en sorte que les faits cessent.
👉 Sur ce point, il est acquis que l’absence de réaction de la hiérarchie est susceptible de contribuer à la normalisation de comportements illicites, et contribuer à leur perpétuation et leur impunité, et en cela engager la responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité (articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail).

➡️ En outre, des salariés partageaient des photos de femmes dénudées, partiellement dénudées, ou dans des positions suggestives, le tout accompagné de commentaires inappropriés. La circonstance que ces échanges avaient lieu au sein de l’open space, avait pour effet que l’ensemble des salariés présents ne pouvait que y être confronté. Certains se sont plaints de cette ambiance de travail.

👉 Alors même que les salariées ne sont pas directement visées par l’ambiance générale de travail marquée par un climat sexiste et dégradant, l’environnement de travail est reconnu comme hostile, offensant ou dégradant, que ce soit sur le fondement du harcèlement sexuel (on parle alors de harcèlement d’ambiance) ou sur le fondement du harcèlement discriminatoire à raison du sexe.
❗❗❗Les juges estiment que le fait d’afficher affichent librement des images sexualisées, d’utiliser des propos sexistes altèrent la dignité de toutes les femmes présentes dans l’open space, même si celles-ci ne sont pas directement visées par les propos.

Ceci vient conforter une jurisprudence de 2017 de la Cour d’appel d’Orléans, reconnaissance tout à fait novatrice de ce qu’une victime peut invoquer le harcèlement sexuel dès lors que l’atmosphère au travail se montre hostile avec des propos, allusions et comportements sexistes ou sexuels récurrents alors même qu’elle n’en est pas la cible.

Par ailleurs, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 novembre 2024 met en évidence les conséquences pour un employeur s’agissant de la tolérance face à des faits susceptibles de constituer un « harcèlement d’ambiance », tolérance de nature à engager sa responsabilité. Dans cette affaire, l’entreprise a été condamnée notamment pour n’avoir pas empêché la réitération des faits de harcèlement, alors même que la hiérarchie en était informée.

Pour une analyse juridique complète et approfondie de cette décision, voir l’article de Noémie Le Bouard sur le Village de la Justice.

💥 Focus sur le sexisme ordinaire !

👉 Le sexisme, d’après les Éditions Larousse, consiste en une attitude discriminatoire fondée sur le sexe.

D’un point de vue sociologique, « le sexisme est l’ensemble des préjugés, des croyances et des stéréotypes concernant les femmes et les hommes », supposant que ces deux groupes sociaux sont fondamentalement différent.es et que ces différences sont associées à des rôles spécifiques et à des positions dans la société, selon l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes.

👉 Le sexisme ordinaire quant à lui, englobe toutes ces « choses » du quotidien, normalisées et banalisées, qui stigmatisent et portent préjudice aux personnes en raison de leur sexe, et plus précisément les femmes, statistiquement plus souvent victimes de sexisme que les hommes.

➡️ Concrètement, ce sont tous les mots, actes, comportements, non-dits qui excluent, délégitiment ou marginalisent les femmes et les rabaissent à une place inférieure, précisément en raison du fait que ce sont des femmes.

Le sexisme ordinaire est si banalisé qu’on n’y prête pas attention. On le trouve dans toutes les sphères de la société : professionnelle, personnelle, familiale et… institutionnelle, y compris dans les sphères officielles et publiques, et qui peut conduire au sexisme administratif, dont on a parlé ici 👉 https://shorturl.at/9heGh

➡️ Quelques exemples de sexisme ordinaire :

✖️ Les commentaires liés au physique, à l’apparence, au culte de la minceur :
« Tu vas te resservir ? Ce n’est pas très bon pour ta ligne »
« Les poils, ce n’est pas très hygiénique, tu devrais t’épiler »
« C’est dommage de te laisser aller, tu devrais te maquiller et te coiffer ».

✖️ Les remarques et injonctions liées à la maternité, aux pressions mises sur les femmes pour avoir un/des enfant.s. Y compris les questions impliquant une justification : « pourquoi tu ne veux pas d’enfant, tu n’as pas peur de le regretter plus tard ? »

✖️ On y retrouve des injonctions liées au physique, à l’apparence et à la minceur pour des femmes de retour de congé maternité : « tu devrais t’inscrire à la salle de sport pour perdre tes kilos en trop »…

✖️ Les remarques relatives aux tâches domestiques, qui renvoient à la sexualisation des rôles et qui attribuent aux femmes la charge du ménage, des courses, de l’éducation des enfants :
« Alors, t’as pas fait le café ce matin ? »
« Comment ça, tu ne sais pas faire la cuisine? »
« C’est super si ton homme t’aide, ça doit te soulager »…

✖️ Les commentaires liés à l’incapacité, dont un des plus fameux est « femme au volant, mort au tournant », alors que la réalité démontre que 83 % des présumés responsables d’accidents mortels sont des hommes, selon le bilan 2023 de la sécurité routière ONISR.

Et vous, avez-vous d’autres exemples de sexisme ordinaire à partager ?

💥 Violences administratives, de quoi parle-t-on ?

Les violences faites aux femmes, et plus spécifiquement les violences au sein du couple peuvent être classées en 6 catégories. Nous les avions détaillées ici 👇
https://lnkd.in/dz5yVZSt

Parmi elles, les violences administratives.
Moins visibles, plus méconnues, elles ont des conséquences délétères voire dramatiques.

❓ Une définition :
Ce sont tous les actes qui consistent à confisquer, dérober, détruire en tout ou partie les documents administratifs personnels ou conjoints. Cela concerne également les documents relatifs à enfant, que ce soit ses documents d’identité, le livret de famille, son carnet de vaccination…

➡️ Leurs conséquences :
🔹 Bloquer le conjoint, partenaire lié par un PACS, concubin dans ses diverses demandes et démarches administratives, par exemple la demande ou le renouvellement d’un titre de séjour, d’une carte d’identité,
🔹 Priver ou empêcher l’accès aux soins, notamment via la subtilisation de la carte vitale,
🔹 Empêcher ou retarder des démarches de départ du domicile, en détruisant/confisquant quittances de loyer, bulletins de salaires, avis d’imposition, freinant ainsi la constitution d’un dossier auprès d’un bailleur social ou privé…

❗ Bon à savoir : la loi du 30 juillet 2020 a crée un article 311-12 dans le Code pénal et ainsi mis un terme à l’immunité du vol entre époux.

En matière de chantage aux documents d’identité, les conjoints, partenaires et concubins de nationalité étrangère sont particulièrement vulnérables. Que ce soit pour une première demande de titre de séjour, un renouvellement, ou des démarches visant la naturalisation.

❕ Bon à savoir : il est possible d’obtenir un titre de séjour dans le cadre de violences conjugales subies par un partenaire de nationalité étrangère. Renseignez-vous directement en Préfecture, ou faîtes-vous accompagner par des professionnels, associations, avocats, spécialisés.

Ces violences peuvent s’accompagner d’autres violences, comme des violences économiques que nous avions abordées ici 👉 https://lnkd.in/d7bJ9-ma

Par ces agissements, le conjoint vise à exercer un contrôle sur son partenaire, ses démarches, réduire son autonomie, et ainsi s’assurer de sa mainmise et de sa soumission.

Victime de violences conjugales ? Témoins, professionnels ? Le #3919 est LE numéro national d’écoute en la matière : https://lnkd.in/dvwbaga6

« TOUT LE TRIBUNAL A ENVIE DE TE VIOLER »

C’est par ce titre choc que le SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE rend les résultats de son enquête de victimation sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) au sein de l’institution judiciaire en France.

💡 De quoi s’agit-il ?

🎩 La forme : un questionnaire adressé à l’ensemble des magistrat.es par un groupe de travail interne au syndicat.

📈 Les retours :
525 réponses complètes
447 formulaires partiellement remplis ou non validés
Soit 972 au total.

🔎 L’analyse de ces retours :
Une ambiance sexiste, homophobe et transphobe au sein de la magistrature.

Plus précisément, parmi les 525 répondants :
▶️ 9 répondant.es ont été victimes et 12 témoins de faits qualifiés de viols ou d’agression sexuelle au sein de l’institution judiciaire.
▶️ 42,6 % des répondant.e.s ont été témoins ou victimes de propos ou comportements sexistes, homophobes, transphobes, ou de discriminations liés au sexe ou à l’orientation sexuelle.
▶️ 82,5% des victimes sont des femmes et 91,6% des auteurs sont des hommes.
▶️ Dans plus de 70% des cas, l’auteur présumé est en position de supériorité hiérarchique.

⛔ Les critiques :
Un manque de précisions quant au groupe de travail constitué, à la méthodologie de la démarche et du questionnaire.
Au regard des 9000 magistrats en poste à l’heure actuelle, le nombre de réponses est modeste, mais non négligeable, spécialement au regard de l’ambiance générale qui se dégage des résultats.

🪧 Ce que le Syndicat dénonce :
A travers l’exploitation qualitative des réponses, est mise en évidence une forme de déni, matérialisée par des carences dans la prise en charge du phénomène des VSS au sein de la magistrature.

Comme l’indique le Syndicat : « Les VSS (…) et le sexisme dénoncés ici sont le reflet de l’existant dans notre société et doivent aussi nous questionner sur la manière dont nous traitons les dossiers judiciaires. Comment bien juger les VSS quand l’institution est confrontée à un sexisme systémique contre lequel rien n’est fait et dont une partie des magistrat·es conteste l’existence ? »

👇 Ce que le Syndicat préconise :
Des propositions d’amélioration de la lutte contre les VSS au sein des institutions judiciaires, axées autour de la formation et de la sensibilisation sur ces sujets, d’une meilleure prise en charge des victimes, visant ainsi tendre à contrebalancer un phénomène de sous-dénonciation.


D’où l’intérêt de former, encore et toujours, aux thématiques du sexisme, du harcèlement, pour mettre un terme à la banalisation de ces comportements, et que tous et toutes au sein de la société puissions évoluer dans des environnements de travail et de vie sains.

Merci à Citoyens & Justice – Fédération des associations socio-judiciaires et Justice pour son post synthétique sur le sujet !

L’intégralité de la note ici 👉 https://lnkd.in/e_ABcU4C

1er janvier 🍾Nouvelle année ✨

Avec tous nos meilleurs voeux de bien-être, personnel et professionnel.
Et aussi pourquoi pas de nouveaux défis !


Je souhaite aujourd’hui attirer l’attention sur une étude à l’échelle nationale, parue le 16 décembre dernier, effectuée par l’Observatoire des Violences Sexistes et Sexuelles dans l’Enseignement Supérieur, et portant plus spécifiquement sur les VSS dans le milieu doctoral en France.

Plus de 2000 témoignages ont été recueillis parmi la population doctorante, qui indiquent que :
– 15,5 % des femmes interrogées ont déjà été destinataires de remarques ou questions obscènes, sexualisantes ou dégradantes au sein de leur laboratoire de recherche, contre 3,8 % des hommes
– 24,2 % des femmes interrogées indiquent avoir été déjà interpellées de manière méprisante ou humiliante.

Au-delà de ces chiffres, cette enquête met en évidence la fréquence et la récurrence de comportements sexistes et sexuels au sein du parcours doctoral, illustrant par là même le continuum des violences mis en évidence il y a près de 40 ans par LizKelly.
Ce qui démontre l’actualité de ces sujets, leur prégnance dans la société, et l’importance de former, d’informer sur ces thématiques et leurs enjeux.

Un autre chiffre qui interpelle : près de 55% des parcours doctoraux recensés dans l’enquête se déroulent sans aucune femme au sein de la direction de thèse. C’est particulièrement vrai dans les filières scientifiques (mathématiques, physiques), technologiques et philosophiques.
Ce qui questionne aussi quant aux stéréotypes du genre, s’agissant du nombre de femmes présentes dans ces filières, et dans les postes à responsabilité au sein de l’enseignement supérieur.
Sur ce point, je renvoie à l’ouvrage de Noémie LE MENN (publiée chez DUNOD), « Libérez-vous des réflexes sexistes au travail », qui a fait l’objet d’une nouvelle réédition récemment.

L’enquête en intégralité est à retrouver ici 👉 https://lnkd.in/gpkKMHSv

Il est urgent de poursuivre l’oeuvre de sensibilisation, pour permettre à tous et toutes d’avoir le même socle commun de connaissances, de détecter les comportements à risque, de s’interroger sur ses propres agissements également.
Pour toute interrogation, souhait de déployer de telles formations dans vos structures, n’hésitez pas à nous contacter !

Le traitement du harcèlement par les entreprises : entre sanctions et enjeux à long terme

Le harcèlement au travail, qu’il soit moral ou sexuel, est un problème systémique. Les entreprises, confrontées à cette réalité, oscillent souvent entre l’absence de réaction (condamnable), des réactions immédiates et des réponses à long terme. Si certains cas médiatisés montrent des efforts pour traiter ces problématiques, une analyse plus fine révèle des lacunes dans la gestion globale de ces situations.

Exemples récents : des réponses immédiates mais insuffisantes

Activision Blizzard (USA) : en 2021, cette entreprise a été au cœur d’une controverse pour harcèlement et discrimination. Résultat : 20 employés licenciés, six mois après les accusations, et 20 autres sanctionnés.

Michelin (France) : en 2020, 157 cas de harcèlement ont été identifiés. Bien que 11 départs aient été enregistrés, cela soulève des questions sur la sanction et le suivi des autres cas signalés.

Le secteur publicitaire (France) : l’association « Les Lionnes », via son baromètre en 2021, a révélé l’ampleur des faits de harcèlement et sexisme dans les agences de publicité. Ces chiffres montrent que là où le sexisme s’installe, les risques de harcèlement explosent.

Dans ces exemples, les entreprises semblent privilégier des sanctions disciplinaires immédiates, comme les licenciements, pour montrer que ces comportements sont inacceptables. Cependant, cette approche punitive, bien que nécessaire, ne traite pas les causes profondes du problème.

Sanctionner : un remède immédiat mais pas suffisant

Les sanctions disciplinaires possibles incluent une gamme d’actions : avertissement, mise à pied, mutation, rétrogradation ou licenciement. Si le licenciement peut apparaître comme la solution ultime, il reste une réponse ponctuelle. Que se passe-t-il après ?

En l’absence de sensibilisation ou d’un suivi des harceleurs, ces derniers réintègrent le marché de l’emploi, souvent sans remise en question, reproduisant les mêmes schémas. L’exemple d’une manager dans le secteur de la grande distribution, ayant multiplié les comportements toxiques dans plusieurs filiales, illustre ce phénomène. Sans traitement approfondi, le problème se perpétue.

Le rôle central des entreprises : protéger et prévenir

La loi impose aux employeurs de protéger leurs salariés en mettant un terme aux agissements de harcèlement. Mais pour aller au-delà de l’urgence, il est indispensable de construire une réponse durable :

  • Protéger immédiatement : via des sanctions adaptées et proportionnées, pour protéger les victimes, les témoins et collaborateurs et l’environnement de travail ;
  • Prévenir à long terme : former et sensibiliser sur les notions de sexisme et harcèlement, lutter contre les stéréotypes de genre et établir des dispositifs de signalement efficaces, tout en prévoyant des espaces et des temps de parole dédiés à ces questions-là.

Changer les mentalités : un enjeu collectif

Le harcèlement, notamment sexuel, s’inscrit dans un continuum de violences sexistes. Là où pullulent les blagues graveleuses, les comportements discriminants se normalisent. Ce terreau sexiste, souvent banalisé, ouvre la porte à des comportements déviants plus graves.

Pour y remédier, la formation et la sensibilisation sont essentielles :

  • Former : aider les collaborateurs à comprendre ce qu’est le harcèlement, ses manifestations et ses impacts ;
  • Sensibiliser : montrer que des comportements jugés anodins peuvent être des portes d’entrée vers des actes répréhensibles ;
  • Encourager l’intervention : chaque membre de l’entreprise peut agir pour dire : « cette remarque est déplacée » ou « ce comportement est inacceptable ».

Les entreprises ont un rôle crucial à jouer, mais c’est aussi une responsabilité collective. C’est la société qui décide de ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas. Les environnements où le sexisme est combattu de manière proactive sont ceux qui réduisent significativement les risques de harcèlement.

Agir ensemble pour un futur respectueux

En définitive, répondre au harcèlement ne se limite pas à sanctionner. Il s’agit de créer une culture où de tels comportements n’ont pas leur place. Cette évolution passe par des actions concrètes mais aussi par une déconstruction collective des stéréotypes et croyances sexistes. En s’attaquant à la racine du problème, entreprises et société civile peuvent bâtir des environnements respectueux et inclusifs.

💥 Focus sur la culture du viol

Terme récurrent dans les médias et les prises de paroles d’expert.es ces derniers temps, la culture du viol reste mal comprise, mal interprétée. Revenons sur sa signification ensemble :

📘 Une définition en quelques mots :

La culture du viol est un concept sociologique qui renvoie à un ensemble d’idées, de croyances, attitudes et comportements qui sont partagés au sein d’une société donnée, et qui minimisent, banalisent, normalisent les violences sexistes et sexuelles.

❓ Comment cela fonctionne ?

La culture du viol est un héritage culturel. Elle est graduelle, s’appliquant à un vaste panel de situations susceptibles de relever des violences sexuelles et comportements sexistes.
Elle s’observe par des propos, comportements, actes, non-dits, réflexes qui englobent et traitent la question et la gestion des violences sexistes et sexuelles au sein d’une société, que ce soit à l’endroit des personnes qui signalent de tels faits ou à l’endroit des personnes qui les commettent.

La culture du viol, en ce qu’elle irrigue l’ensemble de la société, fonctionne sous forme de continuum de microviolences, toutes interconnectées les unes les autres, et qui légitiment, justifient, attendent les violences immédiatement plus graves. En cela, ce concept peut être à rapprocher de celui de continuum des violences sexuelles, théorisé par LizKelly en 1987 : ce concept fait état de ce que, tout au long de leur vie, les femmes sont exposées, de manière plus ou moins importante, à des degrés divers mais non moins systématique, à un ensemble de violences sexistes et sexuelles, y compris institutionnelles.

❔ Quels mécanismes ?

La culture du viol repose sur des mécanismes de culpabilisation des victimes et de déresponsabilisation des auteurs, illustré par l’autrice Rose Lamy à travers l’étude de plusieurs unes de journaux (Préparez-vous pour la bagarre, « Défaire le discours sexiste dans les médias », JCLattès, 2021).

📕 Que dit la loi et la jurisprudence sur ce point ?

Si plusieurs auteurs et autrices ont écrit sur ce concept, notamment Noémie Renard ou encore Valérie Rey-Robert, ce concept n’a pas de coloration légale.
Il n’est inclus ni dans la loi ni dans la jurisprudence à l’heure actuelle.

Les stéréotypes de genre : des clichés qui façonnent nos inégalités

🌏 Le sexisme n’est pas seulement une question de comportements individuels. C’est un phénomène profondément ancré dans notre société, nourri par des stéréotypes de genre qui influencent nos choix, nos perceptions et nos interactions, souvent de manière inconsciente.

❓Que sont les stéréotypes de genre ?
Ce sont des croyances préconçues sur ce que les femmes et les hommes devraient être ou faire en fonction de leur sexe.
Par exemple, l’idée que les femmes sont naturellement douces et les hommes compétitifs, ou encore que certaines professions sont « réservées » à un genre. Ces clichés servent souvent à simplifier la réalité, mais ils perpétuent des inégalités profondes.

Lors de mes formations sur la prévention du sexisme, j’explique comment ces stéréotypes se construisent dès le plus jeune âge, influencés par un environnement culturel sexiste. Publicités, affiches de films, contenus éducatifs : nous évoluons dans une société où les représentations genrées sont omniprésentes.

➡️ Prenons un exemple concret : la publicité
Un rapport publié par le Conseil de l’Éthique Publicitaire en avril 2020 montre comment la publicité reflète et renforce des représentations stéréotypées. Il pointe du doigt des pratiques où les femmes sont souvent cantonnées à des rôles passifs ou sexualisées, tandis que les hommes incarnent des figures d’autorité ou d’action. Ces images influencent nos imaginaires collectifs et façonnent nos attentes en matière de genre.

❌ C’est problématique, parce que ces stéréotypes :
✖️ Limitent les choix de carrière, de loisirs ou de comportements des individus,
✖️ Participent au maintien des inégalités professionnelles et sociales,
✖️ Nourrissent une culture où le sexisme semble normalisé, créant un terrain fertile pour des comportements plus graves comme le harcèlement notamment. C’est ce que certains chercheurs, notamment Liz Kelly, ont appelé le continuum des violences.

🔆 Changer les choses :
Si nous voulons bâtir une société plus égalitaire, il est essentiel de déconstruire ces stéréotypes. Cela passe par une vigilance accrue dans la manière dont nous consommons et produisons des contenus culturels, mais aussi par des formations qui sensibilisent à ces mécanismes.

Il est essentiel également que nous participions tous à la « traque » des stéréotypes, lorsque nous les voyons chez nos contemporains. Sans méchanceté ni jugement. Simplement en le faisant remarquer. Plus nous mettrons collectivement en évidence leur absence de fondement, plus ils auront dû mal à rester ancrés dans la société.

Et vous, avez-vous déjà réfléchi à l’impact que peuvent avoir les stéréotypes dans votre vie professionnelle, personnelle ?