On parle souvent ici de harcèlement ou de discrimination, mais saviez-vous que le harcèlement discriminatoire existe également ? Le point sur cette qualification parfois méconnue.
💡 Le harcèlement discriminatoire, c’est quoi ?
Ce sont des comportements motivés par la personne même de la victime, que ce soit ses caractéristiques personnelles (sexe, âge, orientation sexuelle, handicap…) ou ses libertés fondamentales (opinions syndicales, religieuses…) et qui se manifestent par des actes tels que des moqueries, brimades, injures, dénigrement, menaces…
Finalement, c’est une forme de harcèlement, motivée par une discrimination, laquelle est strictement prohibée par la loi.
❓ Des exemples ?
▪️ C’est le fait d’afficher dans une salle de repos la photographie d’un primate portant l’inscription du prénom d’un salarié (Cour d’appel de Rennes, 10 décembre 2014, RG n° 14/00134).
▪️C’est pour une salariée, de retrouver un poste inférieur à ses missions avant son départ en congé maternité (Cour d’appel de Paris, 29 septembre 2021, RG n° 18/13267).
▪️C’est encore pour un agent public homosexuel de découvrir un DVD à caractère pornographique dans son casier (Décision du Défenseur des droits, MLD n°2014-079 du 22 octobre 2014).
📕 Quelles obligations pour l’employeur ?
Classiquement, l’employeur privé comme public est débiteur d’une obligation en matière de prévention de la santé et de la sécurité des collaborateurs placés sous son autorité.
Cela implique la prévention de tout type de risque, dont ceux liés au harcèlement (article L. 4121-2 du Code du travail).
Suivant le principe d’aménagement de la charge de la preuve, il revient au salarié/agent s’estimant victime de harcèlement discriminatoire d’apporter des éléments laissant présumer l’existence de tels faits à son encontre. A charge ensuite pour l’employeur de démontrer que les décisions en direction de ce salarié/agent sont objectivement fondées et exemptes de tout harcèlement ou discrimination (Cour de cassation, soc., 1er juin 2016, n°14-19.702 et Conseil d’État, Ass., 30 octobre 2009, Mme PERREUX, n°298348 et CE, 10 janvier 2011, Mme LEVEQUE, n°325268).
📌 Sur la protection de la victime présumée :
La dénonciation de bonne foi des faits de harcèlement discriminatoire ne peut jamais justifier de représailles, l’employeur devant veiller à ce que la personne qui s’estime victime ne soit pas isolée, stigmatisée ou encore sanctionnée suite à sa dénonciation.
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Étiquette : harcèlement
Le traitement du harcèlement par les entreprises : entre sanctions et enjeux à long terme
Le harcèlement au travail, qu’il soit moral ou sexuel, est un problème systémique. Les entreprises, confrontées à cette réalité, oscillent souvent entre l’absence de réaction (condamnable), des réactions immédiates et des réponses à long terme. Si certains cas médiatisés montrent des efforts pour traiter ces problématiques, une analyse plus fine révèle des lacunes dans la gestion globale de ces situations.
Exemples récents : des réponses immédiates mais insuffisantes
Activision Blizzard (USA) : en 2021, cette entreprise a été au cœur d’une controverse pour harcèlement et discrimination. Résultat : 20 employés licenciés, six mois après les accusations, et 20 autres sanctionnés.
Michelin (France) : en 2020, 157 cas de harcèlement ont été identifiés. Bien que 11 départs aient été enregistrés, cela soulève des questions sur la sanction et le suivi des autres cas signalés.
Le secteur publicitaire (France) : l’association « Les Lionnes », via son baromètre en 2021, a révélé l’ampleur des faits de harcèlement et sexisme dans les agences de publicité. Ces chiffres montrent que là où le sexisme s’installe, les risques de harcèlement explosent.
Dans ces exemples, les entreprises semblent privilégier des sanctions disciplinaires immédiates, comme les licenciements, pour montrer que ces comportements sont inacceptables. Cependant, cette approche punitive, bien que nécessaire, ne traite pas les causes profondes du problème.
Sanctionner : un remède immédiat mais pas suffisant
Les sanctions disciplinaires possibles incluent une gamme d’actions : avertissement, mise à pied, mutation, rétrogradation ou licenciement. Si le licenciement peut apparaître comme la solution ultime, il reste une réponse ponctuelle. Que se passe-t-il après ?
En l’absence de sensibilisation ou d’un suivi des harceleurs, ces derniers réintègrent le marché de l’emploi, souvent sans remise en question, reproduisant les mêmes schémas. L’exemple d’une manager dans le secteur de la grande distribution, ayant multiplié les comportements toxiques dans plusieurs filiales, illustre ce phénomène. Sans traitement approfondi, le problème se perpétue.
Le rôle central des entreprises : protéger et prévenir
La loi impose aux employeurs de protéger leurs salariés en mettant un terme aux agissements de harcèlement. Mais pour aller au-delà de l’urgence, il est indispensable de construire une réponse durable :
- Protéger immédiatement : via des sanctions adaptées et proportionnées, pour protéger les victimes, les témoins et collaborateurs et l’environnement de travail ;
- Prévenir à long terme : former et sensibiliser sur les notions de sexisme et harcèlement, lutter contre les stéréotypes de genre et établir des dispositifs de signalement efficaces, tout en prévoyant des espaces et des temps de parole dédiés à ces questions-là.
Changer les mentalités : un enjeu collectif
Le harcèlement, notamment sexuel, s’inscrit dans un continuum de violences sexistes. Là où pullulent les blagues graveleuses, les comportements discriminants se normalisent. Ce terreau sexiste, souvent banalisé, ouvre la porte à des comportements déviants plus graves.
Pour y remédier, la formation et la sensibilisation sont essentielles :
- Former : aider les collaborateurs à comprendre ce qu’est le harcèlement, ses manifestations et ses impacts ;
- Sensibiliser : montrer que des comportements jugés anodins peuvent être des portes d’entrée vers des actes répréhensibles ;
- Encourager l’intervention : chaque membre de l’entreprise peut agir pour dire : « cette remarque est déplacée » ou « ce comportement est inacceptable ».
Les entreprises ont un rôle crucial à jouer, mais c’est aussi une responsabilité collective. C’est la société qui décide de ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas. Les environnements où le sexisme est combattu de manière proactive sont ceux qui réduisent significativement les risques de harcèlement.
Agir ensemble pour un futur respectueux
En définitive, répondre au harcèlement ne se limite pas à sanctionner. Il s’agit de créer une culture où de tels comportements n’ont pas leur place. Cette évolution passe par des actions concrètes mais aussi par une déconstruction collective des stéréotypes et croyances sexistes. En s’attaquant à la racine du problème, entreprises et société civile peuvent bâtir des environnements respectueux et inclusifs.
Cyber-harcèlement : un message de chaque auteur suffit
Classiquement, quand on entend « harcèlement », on pense immédiatement à répétition.
Et c’est vrai. Mais pas tout à fait..
Ainsi il est des cas dans lesquels le harcèlement discriminatoire peut être caractérisé à partir d’un acte unique, suffisamment grave.
📕 Et puis il y a le harcèlement dit collectif, prévu par la loi du 3 août 2018 pour réprimer le phénomène de harcèlement en ligne, plus connu sous le nom de cyber-harcèlement. Ces nouvelles dispositions permettent de réprimer l’action isolée de chaque auteur, même sans répétition, à partir du moment où il sait ou ne peut ignorer que son action s’inscrit dans une dynamique plus large qui désormais dans la loi, caractérise la répétition. C’est ce qu’on appelle le « harcèlement collectif » ou encore le « harcèlement de meute ».
🔎 Illustration : le fait de publier en ligne un seul message malveillant, dirigé contre une personne qui fait l’objet d’insultes et de menaces sur les réseaux sociaux, peut caractériser l’infraction.
👨⚖️ Et dans ces conditions, le juge n’est tenu ni de vérifier que le message a été lu par la personne harcelée ni d’identifier et de dater les messages émanant d’autres personnes.
Sources :
Cour de cassation, Lettre de la chambre criminelle, n°41, Juillet 2024
Crim., 29 mai 2024, pourvoi n° 23-80.806, publié au Bulletin
Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 222-33-2-2 du Code pénal
Les stagiaires bénéficient de la même protection que les salariés en matière de harcèlement moral
📕 Le Code de l’éducation pose le principe de l’applicabilité aux stagiaires, dans les mêmes conditions que les salariés, des dispositions protectrices en droit du travail, notamment en matière de harcèlement moral.
🏦 C’est ce qu’a rappelé la Première chambre civile dans une espèce jugée le 8 février 2023, et soulignant à ce titre l’office du juge en la matière.
🔎 Ainsi, à partir du moment où un stagiaire se dit victime de harcèlement, le juge doit examiner les éléments au soutien de ses déclarations. Étant précisé qu’il n’appartient pas au demandeur de rapporter la preuve, mais seulement des éléments laissant supposer l’existence d’une telle qualification.
Ainsi le juge, doit :
1) apprécier au regard de ces éléments produits, si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral ;
2) dans l’affirmative, apprécier si les personnes en charge de la formation du stagiaire, rapportent la preuve de ce que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement, mais sont au contraire justifiés par des éléments objectifs.
Ainsi l’ensemble des décisions prises à l’encontre d’un stagiaire laissant supposer l’existence d’un harcèlement, est susceptible d’être examiné par le juge. Comme dans cette espèce, où la Haute Juridiction a censuré la cour d’appel, au motif que celle-ci n’a pas recherché si la décision d’exclusion de la stagiaire était régulière, tant dans sa forme que dans son contenu.
Cass., civ. 1, 8 février 2023, 22-10.568, Inédit
Harcèlement moral : la relaxe du juge pénal n’empêche pas le juge prud’homal de retenir cette qualification
👨⚖️ Dans une décision du 18 janvier 2023, la Cour de cassation a rappelé l’indépendance des procédures judiciaires et des juridictions, une décision civile ne liant pas le juge pénal.
📕 C’est ce qui résulte des articles 1351 ancien du code civil et 480 du code de procédure civile, qui précisent que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique n’ont au civil autorité absolue, à l’égard de tous, qu’en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé. Pour rappel, la caractérisation de faits de harcèlement moral en droit du travail, suivant l’article L. 1152-1 du code du travail, ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel. Dans ces conditions, une relaxe au pénal pour défaut de caractérisation de l’intention peut néanmoins faire l’objet, au civil, d’une décision contraire, dans la mesure où des faits de harcèlement peuvent être caractérisés, notamment par des méthodes de management inappropriées. C’était tout l’objet de cette espèce.
👩💼 Rappelons à cet égard que la condamnation de méthodes de management toxiques a été rendue possible par le juge judiciaire depuis 2009 (Cass. Soc., 10 novembre 2009, n°07-45.321), ce que la jurisprudence administrative n’a, à ce jour, pas reconnu.
Cass., soc.,18 janvier 2023, 21-10.233, Inédit
L’enquête interne, en quelques mots…
C’est quoi ?
Il s’agit une procédure d’examen déclenchée au sein d’une structure, visant à établir la matérialité de faits rapportés à la direction et qui peuvent s’apparenter à des faits délictueux de type violences sexistes et sexuelles, harcèlement…
Ce n’est pas une procédure disciplinaire. Si les faits sont avérés par le rapport final de l’enquête interne, une procédure disciplinaire peut effectivement avoir lieu ensuite et conduire à des sanctions, mais ce n’est pas la finalité de l’enquête interne.
Que dit la loi ?
Dans le secteur privé : obligation est faite à l’employeur de mener une enquête interne dès lors qu’il a connaissance de faits a minima constitutifs de harcèlement. La loi et la jurisprudence sont très claires à ce sujet.
Dans le secteur public : d’abord érigée en recommandation, il s’agit désormais d’une obligation, depuis une circulaire du 9 mars 2018 pour la fonction publique qui prévoit qu’une administration saisie de faits de harcèlement, doit diligenter une enquête interne.
Et en pratique ?
C’est la direction qui déclenche l’enquête interne. En sachant que si les faits proviennent de la direction elle-même et/ou qu’elle n’agit pas, des acteurs externes (rectorat pour la fonction publique, inspection du travail) peuvent être saisis.
L’enquête, tous secteurs confondus, doit démarrer dans les plus brefs délais, en réalité immédiatement dès la connaissance des faits.
Quelles sanctions ?
Une enquête mal faite, réalisée partiellement, ou encore non conduite, engage la responsabilité de l’employeur, tant dans le privé que dans le public.
L’enquête doit respecter un certain nombre de principes : contradictoire, impartialité, qu’il peut être difficile à mettre en œuvre en étant à la fois juge et partie. Dans cette optique, outre une formation à la conduite d’enquête, il est possible d’externaliser l’enquête => Callisto peut vous aider ! Contactez-nous !
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Zoom sur les violences sexistes et sexuelles
Depuis quelques années, l’expression « violences sexistes et sexuelles » est entrée dans le langage courant, sans qu’on sache réellement de quoi il s’agit. Le point rapidement.
Définition
Les violences sexistes et sexuelles sont, comme leur nom l’indique, des violences, répréhensibles et incriminées par le Code pénal. Ce sont des infractions.
De gravité différente, elles sont classées en trois catégories avec des implications, enjeux et conséquences différents :
- il peut s’agir de contraventions, tel est le cas de l’outrage sexiste. Jugées par le tribunal de police, les contraventions font encourir principalement des peines d’amende.
- il peut s’agir encore de délits, comme par exemple le harcèlement sexuel, et le tribunal correctionnel sera compétent pour en juger. La peine encourue peut être une peine d’emprisonnement et/ou d’amende.
- enfin, il peut s’agir d’un crime, comme c’est le cas pour le viol. Les crimes sont jugés par une juridiction spécialisée, la Cour d’assises, qui fait encourir au minimum une peine de réclusion criminelle de 10 ans. Le viol dit simple c’est-à-dire sans circonstance aggravante, fait encourir une peine de15 ans d’emprisonnement.
Bien noter que les peines peuvent être aggravées, lorsque des circonstances dites aggravantes viennent s’ajouter aux chefs d’accusation. Il en va ainsi d’un viol commis par une personne ayant autorité sur la victime, que cette autorité soit naturelle (ascendants) ou bien qu’elle soit le fait d’un rapport hiérarchique, typiquement liée à une relation de subordination entre un responsable hiérarchique et son employé direct.
Les conséquences des violences sexistes et sexuelle
Les violences sexistes et sexuelles ont des répercussions directes sur les personnes victimes, sur leur intégrité physique, psychique ou encore morale. Certaines peuvent développer des états de stress post-traumatique.
Le panel des conséquences est très large, souvent méconnu et mal compris des proches de victimes.
Parmi elles, se retrouvent notamment : les troubles de l’humeur (irritabilité), troubles du sommeil (difficultés d’endormissement, sommeil agité, réveils nocturnes…), trouble de la concentration, de la mémoire, troubles alimentaires, anxiété – ponctuelle à chronique, hypervigilance, dépression, consommation d’alcool, de drogues ou de médicaments psychotropes… La liste est loin d’être exhaustive.
Elle diffère en fonction des gens, de leur vécu, leur histoire, leurs traumatismes antérieurs éventuels.
IMPORTANT : l’impact des répercussions psychiques et morales n’a aucune corrélation avec la gravité légale des infractions (contravention, délit, crime). Dit autrement, une victime de harcèlement sexuel peut être tout autant voire davantage choquée, perturbée, traumatisée qu’une victime de viol. Il n’y a aucun rapport entre les deux, le ressenti étant propre à chaque personne, à son vécu, son histoire etc.
Des incriminations partielles
Il n’existe pas de législation globale sur les violences sexistes et sexuelles, uniquement des textes épars, qui sanctionnent chacun des comportements particuliers.
L’expression « violences sexistes et sexuelles » n’est pas juridique en soi, néanmoins elle désigne cet ensemble de comportements, tous à connotation sexuelle, qui ont pour point commun d’être illégaux.
Néanmoins, la multitudes de textes, dont certains sont applicables au droit du travail exclusivement, rend l’identification des différentes incriminations délicate et peu lisible.
A noter aussi que la loi est évolutive. Par exemple s’agissant du viol, une précision a été apportée par le législateur le 23 avril 2021, qui inclut désormais dans la définition le rapport bucco-génital forcé commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur.
Il en va de même du harcèlement, dont la définition a fait l’objet de vives critiques puis d’une refonte en 2012.
Des sanctions peu effectives
Des études, notamment celle du Haut Commissaire à l’Égalité Femmes-Hommes révèlent que plus de 100.000 viols sont perpétrés chaque année en France.
Moins de 10 % des victimes portent plainte. Et entre 1 et 2 % font l’objet d’une condamnation1.
C’est dire que les textes existent mais qu’ils ne sont pas appliqués, donc pas effectifs.
D’où l’importance de communiquer sur les violences sexistes et sexuelles, d’en parler autour de soi, entre amis, proches, à la machine à café, au travail, lors d’activités de loisir.
D’où l’importance de la sensibilisation, car elle est l’affaire de chacun.
Vous souhaitez mettre en place une action de sensibilisation au sein de votre entreprise, structure, collectivité territoriale ? Contactez-nous : contact@projet-callisto.fr
1https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/violences-de-genre/travaux-du-hce/article/avis-pour-une-juste-condamnation
Harcèlement : les acteurs à solliciter
Il est parfois difficile de savoir comment réagir face à un situation de harcèlement, qu’elle soit vécue, vue, entendue ou simplement rapportée.
Dans tous les cas, il peut être judicieux d’être aidé, accompagné, dans un premier temps pour savoir s’il s’agit bien de fait de harcèlement, et ensuite le cas échéant, pour savoir comment agir et réagir.
D’une manière générale, quelque soit leur situation, les personnes – victime ou identifier des interlocuteurs potentiels pour trouver des informations, de l’aide, ou solliciter un accompagnement.
Pourtant, plusieurs acteurs se trouvent être des relais pour une information, primaire ou plus approfondie en matière de harcèlement et de sexisme.
Ces acteurs peuvent être internes à l’entreprise, ou bien externes à celle-ci.
Les acteurs internes à l’entreprise
♞ Le Comité social et économique (CSE) est l’instance de représentation du personnel dans l’entreprise. Il doit être mis en place dans les entreprises de plus de 11 salariés. Ses membres sont élus par les salariés de l’entreprise pour une durée maximale de 4 ans.
Depuis le 1er janvier 2019, dans toutes les entreprises quelque soit leur effectif, le CSE doit désigner parmi ses membres, un référent harcèlement pour la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissement sexistes.
♞ Dans les entreprises de plus de 250 salariés, un référent harcèlement doit être spécialement désigné par l’employeur.
Il est ainsi différent du référent désigné par le CSE. Néanmoins, leurs missions tendant à être similaires, elles ont besoin d’être articulées.
♞ Au-delà de ces personnes désignées, tout acteur de l’entreprise peut être sollicité dès lors qu’il constitue une personne ressource ou de confiance : qu’il s’agisse du service des ressources humaines, d’un membre de ce service, du directeur des ressources humaines, d’un responsable, d’un membre des organes de direction, d’un salarié du même service, d’un manager d’un autre service…
Il est bien évident que tous ne sont pas nécessairement formés en matière de harcèlement et de prévention du sexisme, néanmoins ils peuvent être un premier contact, éventuellement un soutien. A charge pour eux d’accompagner, d’orienter la personne vers un relai spécialement dédié.
♞ S’agissant de la direction, il convient de rappeler quelques chiffres : malgré le mouvement de libération de la parole, 1 individu sur 10 ne parle à personne des agissements subis.
Pire encore, dans 70% des cas, ni l’employeur, ni la direction, n’ont été informés de la situation.
IMPORTANT : Il est impératif de comprendre que seul l’employeur, à partir du moment où il est informé de faits de harcèlement, a le pouvoir et le devoir d’engager une procédure particulière d’enquête, laquelle est seule à même de faire lumière sur les faits allégués.
Cette démarche a pour objectif de révéler les faits subis, et permet une fois celle-ci menée à son terme, de prendre des mesures disciplinaires contre l’auteur des faits.
Il convient néanmoins de se garder de tout angélisme : selon une enquête de 2014 menée pour le Défenseur des Droits, 1 femme sur 5 sera victime de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle. Déjà en 1991, une étude rapportait sensiblement les mêmes chiffres et ce, malgré un accroissement des droits des victimes et des dispositifs existants. La difficulté tient notamment aux problème relatifs à la preuve, que la loi semble avoir pour partie résolus, et également à la difficulté de révéler ce type de faits.
En effet, lorsqu’il y a dénonciation, elle apparaît souvent comme faite au détriment de la victime ; 40% des personnes harcelé.e.s estiment que l’affaire s’est achevée à leur détriment.
On retrouve souvent les mêmes mécanismes de banalisation (tout le monde fait ça, c’est partout pareil), de minimisation (c’est pas si grave, y a pas mort d’homme, il ne t’a pas violé), ou encore de culpabilisation de la victime (tu t’attendais à quoi en rentrant dans son bureau ? Oui mais tu y es allé quand même…).
Ce faisant, on cautionne, valide, autorise des comportements qui sont a minima irrespectueux, blessants, humiliants, et dans les pires scénarios, illégaux.
Dans les faits, on a tous été un jour témoin ou la cible d’une remarque, un peu déplacée, pas forcément lancée dans le but de nuire, mais maladroite ou vexante. On a été nombreux à ne pas forcément répliquer, et à ne pas forcément en parler.
Historiquement, un certain nombre d’affaires et de scandales (DSK, Weinstein, octobre 2017) suivis de mouvements de libération de la parole, ont permis une hausse massive dans signalements.
En conséquence, face à l’ampleur du phénomène qui a touché toutes les sphères de la société, en particulier la sphère professionnelle, le législateur français a procédé au renforcement des obligations des employeurs en matière de prévention et de sanction du harcèlement sexuel.
D’où l’importance de ne pas garder des faits, quand bien même il y a un doute. D’où l’importance d’en parler, de libérer la parole, de demander de l’aide.
Les acteurs externe à l’entreprise
Hors les murs de l’entreprise, les conseillers du salarié dont la liste est établie par la Direction Départementale chargée de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DDETS, ancienne DIRECCTE), peuvent relayer des informations, écouter et orienter une demande.
Ce sont les membres de l’inspection du travail qui peuvent avoir ce rôle, accueillir, écouter, recueillir des signalements, oralement ou par le biais de courriers, qu’ils soient postaux ou électroniques.
En outre, la médecine du travail à l’occasion des visites médicales périodiques peuvent être un premier relai d’information en la matière.
Enfin, des associations d’aide aux victimes, le délégué du Défenseur des Droits, qui tient des permanences en général au sein des Préfectures de chaque département, ou encore des avocats peuvent informer, renseigner, orienter des personnes qui s’interrogent sur ces problématiques.
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L’agissement sexiste, une incrimination récente
Le texte :
La loi du 17 août 2015 a crée dans le Code du travail, un article L. 1142-2-1 relatif à l’interdiction de tout agissement sexiste en milieu professionnel.
Le texte explique que « nul ne doit subir d’agissement sexiste défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Des exemples :
Dans son kit pour agir contre le sexisme, le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes cite un certain nombre d’exemples significatifs pour illustrer les multiples formes que peut prendre un agissement sexiste. C’est par exemple :
– critiquer une femme parce qu’elle n’est pas assez féminine selon l’auteur
– critiquer un homme parce qu’il n’est supposément pas assez viril
– avoir une conduite verbale ou une posture corporelle qui montre de l’hostilité envers une personne en raison de son sexe : misogynie avérée, dédain, mépris pour une personne en raison de son sexe, ou pour une catégorie de personnes en raison de leur sexe
– ne pas prendre les compétences des salariés au sérieux, et les humilier parce que ce sont des femmes par exemple : « bonnes à faire la popote », « t’aurais du rester dans ta cuisine »…
– commentaires humiliants ou désobligeants en raison du sexe
– proférer des menaces ou tout autre comportement verbal ou physique fondé sur le sexe de la personne
– faire des blagues sexistes, obscènes, graveleuses, de manière répétée
– fragiliser le sentiment de compétence par des remarques ou des pratiques offensantes…
La sanction :
À l’inverse d’autres incriminations (cf infra), le sexisme ordinaire est dépourvu d’équivalent dans le Code pénal. En effet, l’auteur d’un agissement sexiste est seulement susceptible d’être sanctionné de manière disciplinaire par son employeur.
Concrètement, il encourt un avertissement, un blâme, ou toute autre mesure disciplinaire telle une rétrogradation, une mutation et éventuellement, si les conditions le permettent, un licenciement.
Cette sanction touche tout type de collaborateur de l’entreprise, aussi bien les cadres que les employés, puisque l’auteur d’un agissement sexiste peut se trouver être un supérieur hiérarchique direct, un responsable ou encore un collègue de la victime.
Pour attraire devant les juridictions répressives (tribunal correctionnel), il convient de se référer à des infractions pénales approximatives du sexisme, comme les injures à caractère sexiste, le harcèlement, moral ou sexuel, ou la discrimination en raison du sexe.
Distinction avec des notions voisines :
❦ Le harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel, suppose des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à l’avenir professionnel de la personne.
Le harcèlement est réprimé à la fois par le Code du travail et par le Code pénal. C’est-à-dire qu’il fait encourir à la fois une sanction disciplinaire et une sanction pénale.
L’agissement sexiste quant à lui, est un comportement unique, ponctuel, réprimé de manière disciplinaire uniquement.
A noter : à partir du moment où l’agissement sexiste vient à se répéter, il peut être constitutif de harcèlement sexuel.
❦ La discrimination s’entend d’une différence de traitement reposant sur un motif lié à la santé, à l’âge, au sexe, à la religion, aux opinions d’une personne (liste non exhaustive). Elle est un délit pénal, et fait encourir 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
L’agissement sexiste peut constituer une mesure de discrimination, mais ce n’est pas systématique.
⇒ D’une manière générale, la notion de sexisme, a fortiori celle de sexisme ordinaire, est codifiée dans la notion d’agissement sexiste alors que dans le harcèlement et la discrimination, elle ne se retrouve pas à proprement parler ; elle peut s’y retrouver, mais ce n’est pas leur essence.
La responsabilité de l’employeur :
L’employeur est susceptible de voir sa responsabilité civile engagée, et être ainsi condamné à réparer le préjudice subi.
En effet, la victime a la possibilité de saisir le conseil des prud’hommes en vue d’obtenir réparation. Cela peut se faire de deux façons :
– au titre de la violation de l’interdiction de tout agissement sexiste sur le lieu de travail, s’il est commis par un salarié de l’entreprise,
– au titre du non-respect, par l’employeur, de son obligation de santé et de sécurité, et ce, quelle que soit la personne ayant commis ces agissements (client, collègue, supérieur).