🏳️‍🌈 Le Défenseur des Droits et la protection de la transidentité

L’identité de genre est la catégorie socioculturelle de genre à laquelle une personne s’identifie. Elle répond à la question « Qui suis-je ? », à ne pas confondre avec l’orientation sexuelle qui répond à l’interrogation « Qui j’aime ? ».

L’identité de genre est un des 26 critères de discrimination identifiés par la loi et la jurisprudence. A ce jour, de nombreuses discriminations persistent : 64 % des personnes transgenres en France déclarant avoir subi une discrimination liée à leur identité de genre dans les 12 mois précédents (Agence européenne des droits fondamentaux, 2023).

Aussi, dans sa décision-cadre du 16 juin 2025, le Défenseur des droits a formulé plusieurs recommandations permettant d’améliorer le respect de l’identité de genre des personnes transgenres, dans de nombreux secteurs, et notamment en matière de :

🔹 État civil : pour une reconnaissance de la civilité souhaitée indépendamment de la mention inscrite à l’état civil, mais également une procédure déclarative simplifiée pour le changement de prénom et de sexe, y compris pour les mineurs… ;

🔹 Santé : avec une formation spécifique des professionnels, le respect de l’autodétermination, un accès équitable à la prise en charge des parcours de transition sur tout le territoire… ;

🔹 Éducation : c’est notamment l’application renforcée de la circulaire de 2021 en milieu scolaire, et l’adaptation des établissements privés ;

🔹 Sport : avec la lutte contre les exclusions dans les compétitions et la promotion corrélative de la mixité, pouvant notamment être relayées par des référents LGBTI au sein des fédérations ;

🔹 Emploi : avec une prévention contre les discriminations mais aussi le respect de la civilité sur les supports administratifs, même sans modification de l’état civil ;

🔹 Forces de sécurité : une amélioration de l’accueil avec notamment la formation au respect de l’identité de genre et la désignation de référents ;

🔹 Privation de liberté : avec une affectation dans les établissements correspondant à l’identité de genre exprimée, et un refus du placement à l’isolement fondé uniquement sur l’identité de genre.

Retrouvez la décision dans son intégralité ici 👉 https://lnkd.in/dqwqQC_8


Outre mon intérêt spécifique sur ce sujet, j’ai pu intervenir et enseigner sur cette thématique dans le cadre de la Clinique juridique en droit des libertés de l’Université Grenoble Alpes, grâce au Professeur Anca Ailincai. J’y ai notamment rencontré Béatrice DENAES dont les actions en faveur de la visibilité et de la pédagogie sont un vrai levier pour mieux comprendre cette thématique ✨

Intéressé.e pour former vos équipes, sur ce sujet spécifique ou sur la lutte contre les discriminations ? Contactez-nous !

⚖️ Droit du travail : reconnaissance possible d’une discrimination syndicale en l’absence de comparaison

En droit du travail, comme en droit de la fonction publique, le principe général de non discrimination implique qu’aucune décision ne peut être prise relativement au recrutement, à l’évolution de carrière, la formation, l’octroi de congés, la rémunération etc., sur la base d’un critère discriminatoire, par exemple l’activité syndicale d’un salarié ou d’un agent.

💥 Une jurisprudence récente en matière judiciaire permet d’alléger la démonstration de la discrimination. Afin d’en étudier sa portée, revenons sur les caractères de la discrimination :

📕 Afin d’être caractérisée, la discrimination suppose la réunion de plusieurs conditions :
1️⃣ un traitement défavorable
2️⃣ relevant d’un périmètre visé par la loi, par exemple l’emploi
3️⃣ et fondé sur un critère arbitraire, en l’occurrence les activités syndicales.

S’agissant de la charge de la preuve, un régime probatoire aménagé permet au plaignant d’apporter des éléments laissant supposer qu’il est victime d’un traitement discriminatoire. Nous vous en parlions ici 👉 https://rb.gy/psk25j

Concernant la démonstration du traitement défavorable, elle s’appuie traditionnellement sur la comparaison opérée avec d’autres agents, placés dans la même situation ou dans une situation similaire.
C’est ce que la Cour d’appel de Paris avait retenu dans cette espèce, indiquant que le plaignant ne produisait pas d’éléments permettant d’établir une comparaison avec d’autres salariés.

🤔 Or il peut être très difficile d’apporter des éléments relatifs à d’autres salariés, permettant d’établir une comparaison et matérialisant une différence au détriment du plaignant.

📌 Novatrice, la Cour de cassation indique que « l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés ».
La Haute Juridiction estime ainsi que les éléments produits par le salarié étaient suffisants à laisser présumer l’existence d’une discrimination à son encontre, et qu’il appartenait à l’employeur de démontrer que les différentes décisions prises à son encontre, étaient objectivement fondées.

👉 Cet arrêt revêt une portée significative, ouvrant la voie à une démonstration facilitée de la possible existence d’une discrimination, tous critères confondus, la formulation n’incluant pas spécifiquement la discrimination syndicale, s’appliquant potentiellement à tout critère de discrimination.

Réf. : Cour de cassation, Chambre sociale, 2 octobre 2024, n°23-15.636

Etonnante jurisprudence de la Cour d’appel de Limoges en matière d’agissement sexiste…

⚖ Nous avions abordé récemment la jurisprudence rendue par la Cour de cassation le 12 juin 2024, cet arrêt indiquant en substance, qu’en matière d’agissements sexistes, le licenciement est une sanction possible.

Or, en matière d’agissements sexistes, une décision rendue par la cour d’appel de Limoges le 25 juillet dernier ne paraît pas tout à fait en phase avec cette évolution récente… Revenons sur cette affaire :

1️⃣ Les faits : un salarié d’une société de mutuelles, juriste de son état, a tenu lors d’une réunion d’équipe, les propos suivants : « La loi, c’est comme les jeunes filles, mieux on la connaît, mieux on peut la violer ».
L’employeur a immédiatement réagi, et licencié pour faute ce salarié.

2️⃣ La procédure : le salarié ayant contesté cette sanction, a été reçu dans ses prétentions, le conseil de prud’hommes de Niort ayant déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si en appel, la Cour d’appel de Limoges a partiellement infirmé le jugement notamment sur le montant des indemnités, elle explique que :
– l’expression sexiste est caractérisée
– Mais que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Pour ce faire, elle se base sur plusieurs éléments :
– les regrets exprimés par le salarié
– sa personnalité
– sa carrière professionnelle de 12 ans au sein de l’entreprise, exempte de toute sanction…

🔴 Notre regard : la formulation de l’article L. 1142-2-1 du Code du travail n’appelle pas comme condition impérative l’intention de l’auteur.

En effet, l’agissement sexiste peut avoir pour objet de porter atteinte à la dignité de la personne, l’expression « ayant pour objet » signifiant qu’il en poursuit le but, qu’il est volontairement fait pour nuire.
Mais l’article dispose également que cet agissement peut en avoir seulement l’effet. C’est-à-dire dans cette seconde acception, qu’il est dépourvu de toute intention de nuire.
Dès lors, les justifications telles que « ce n’est pas méchant », « je ne voulais pas blesser » sont inopérantes, de même que les regrets exprimés a posteriori. Un propos graveleux même fait dans l’intention d’amuser et non de nuire, est un agissement sexiste, qu’importe les motivations de son auteur.

En outre, le texte ne fait pas état de circonstances qui viendraient atténuer la responsabilité, que ce soit au regard de la personnalité de l’auteur, ou de son parcours professionnel.

Cette décision est encore plus surprenante, au regard d’une jurisprudence récente de la Cour de cassation, rendue un mois et demi auparavant, et qui indique que l’agissement sexiste dès lors qu’il est matérialisé, est de nature à entraîner une sanction telle que le licenciement.

La saga du CEA Grenoble

Dernier rebondissement dans cette affaire, par un arrêt de la Cour de cassation du 12 juin dernier, concernant la sanction en matière d’agissements sexistes.

1️⃣ Retour sur cette affaire, en examinant d’abord les faits :
Un technicien supérieur salarié depuis plus de 20 ans au sein du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), établissement public à caractère technique et industriel, a été licencié pour faute en 2016.

2️⃣ La procédure :
Saisissant la justice pour contester cette sanction, le salarié a été débouté de ses demandes par jugement du Conseil de Prud’hommes de Grenoble le 15 février 2021.

En appel, il a obtenu gain de cause.
Par un arrêt du 2 février 2023, la cour d’appel de Grenoble établit que plusieurs agissements sexistes, constitués de propos à connotation sexuelle concernant des collègues de sexe féminin, sont matérialisés. Mais qu’aucune sanction n’ayant été prise jusque-là par l’employeur, ce dernier n’était pas fondé à licencier ce salarié en raison de ces faits.

L’employeur a formulé un pourvoi en cassation, examiné par la Haute juridiction et faisant l’objet d’un arrêt rendu le 12 juin 2024.

3️⃣ La solution :
La Cour de cassation rappelle l’obligation de sécurité à laquelle tout employeur est tenu, ce qui implique la mise en oeuvre de mesures concrètes pour assurer la santé et protéger la sécurité des salariés placés sous son autorité. Cela inclut la cessation des faits, et parmi ceux-ci ; les agissements sexistes.

👉 Elle explique que, à partir du moment où la cour d’appel a constaté la matérialité des agissements sexistes, quand bien même l’employeur n’aurait mis en oeuvre aucune mesure de sanction au préalable, ces faits constituent en eux-mêmes une faute, laquelle caractérise la cause réelle et sérieuse dans le cadre d’un licenciement.

4️⃣ La portée de cet arrêt :
Elle est significative en matière de sanction des violences sexistes et sexuelles au travail. Effectivement, la Cour de cassation explique qu’en matière d’agissements sexistes, le licenciement figure parmi les sanctions possibles.

Nous ajouterons que toute sanction devant être nécessaire et proportionnée, il convient d’individualiser les sanctions en fonction de la situation.

⚖ Jurisprudences récentes sur la communication du rapport d’enquête interne

💡 Quelques précisions sur l’enquête interne :
Décidée par la direction d’une entreprise, l’enquête interne a pour but de faire la lumière sur des faits susceptibles de constituer des fautes professionnelles, des manquements voire des agissements délictueux.
Cette procédure interne a pour objectif d’établir la véracité et la matérialité des faits évoqués.
Si des faits fautifs sont ainsi mis en évidence, l’employeur doit sanctionner le ou les auteurs identifiés.
Or dans l’échelle des sanctions, si celles-ci doivent être nécessaires et proportionnées à la faute commise, elles peuvent aller jusqu’au licenciement.

Toute la question est de savoir si le dossier d’enquête peut/doit être communiqué au salarié sanctionné.

Deux arrêts récents apportent des précisions sur le sujet, soulignant la délicate conciliation entre principes opposés : le contradictoire et les droits de la défense d’un côté & la protection des salariés et la confidentialité des témoignages de l’autre.

🏛 Dans un arrêt du 19 janvier 2024, la cour d’appel de Toulouse a estimé comme étant valable le refus du juge des référés de contraindre la société à la transmission d’éléments de l’enquête interne dès lors que cette transmission n’est pas indispensable.
Dans les faits, d’autres éléments que l’enquête étaient notamment mentionnés dans la lettre de licenciement, susceptibles de motiver la décision de l’employeur.

🏛 A l’inverse, à partir du moment où la personne exclue n’a pas été en mesure de connaître de manière précise les manquements qui lui sont reprochés, elle est fondée à demander la communication forcée du rapport d’enquête.
C’est ce qu’a estimé la Cour d’appel de Paris statuant en référé le 18 janvier dernier.
Plusieurs précisions quant à cette espèce : la personne exclue de l’association se trouvait être un bénévole membre du conseil d’administration et en tant que tel non assujetti aux règles relatives au droit du travail. En outre, la décision d’exclusion se basait exclusivement sur le rapport d’enquête, sans pour autant formuler de griefs précis.

En résumé, dès lors qu’une personne est licenciée, elle doit avoir une connaissance précise des manquements qui lui sont reprochés. Dès lors que cette condition est remplie, elle n’a plus d’intérêt légitime à obtenir le rapport d’enquête interne.

Vous souhaitez en savoir plus sur l’enquête interne 👉 contactez-nous !

L’âgisme, un des 26 critères de discrimination reconnus par la loi et la jurisprudence

L’âgisme regroupe les stéréotypes liés à la façon d’envisager l’âge quel qu’il soit, les préjugés sur ce qu’inspire l’âge et la façon de se comporter, dont tout un chacun peut être victime. En effet, l’âgisme touche tout le monde.
Instinctivement, on peut penser aux comportements condescendants adoptés envers les personnes âgées. Mais selon l’OMS, l’âgisme s’illustre dans un panel plus large de situations, par exemple en matière de politiques tendant au rationnement des soins de santé en fonction de l’âge, ou encore dans les pratiques qui limitent les possibilités des jeunes de contribuer à la prise de décision sur le lieu de travail.

📕 En droit, on parle de discrimination à raison de l’âge dès lors qu’une décision est prise sur ce fondement qui empêche l’accès à un bien, un service, un emploi… Une telle décision est illégale.
⚠ Par exemple, l’accès à un emploi conditionné à une limite d’âge est une discrimination, et en tant que telle, prohibée par la loi. Le Code du travail pose un principe de non discrimination, repris par le Code général de la fonction publique. Il s’agit en outre d’un délit, prévu par le Code pénal, et réprimé de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende.

📈 En matière d’accès à l’emploi toujours, 47 % des seniors indiquent avoir subi une discrimination à raison de l’âge. Et pour 75 % des managers, l’âge joue défavorablement à l’embauche.

Sur l’employabilité, les chiffres sont assez constants : la HALDE soulignait il y a plusieurs années que la France n’employait que 37% des personnes âgées de 54 à 64 ans, soit 5 points en dessous de la moyenne de l’Union européenne. A l’inverse, la Suède présente un taux d’activité des 54-65 ans de 70 % ! Ce qui a peu évolué aujourd’hui…

A l’échelle mondiale, selon un rapport des Nations Unies de mars 2021, 1 personne sur 2 aurait des attitudes âgistes !

💡 Un parallèle peut se faire en matière d’âgisme, en comparaison avec l’idéologie sexiste. En effet, le sexisme se décline en sexisme hostile, bienveillant et ambivalent.
Pour l’âgisme, c’est pareil ! Il peut être hostile, avec des propos et comportements agressifs voire violents. Il peut aussi s’exercer de manière bienveillante, en apparence. En réalité, sous couvert de protection des aînés, sont justifiés des comportements véhiculant de la pitié et de la sympathie visant par exemple à les exclure (limiter les visites), restreindre leurs droits (limiter leurs sorties et activités, restreindre leur droit aux soins).

D’ailleurs, l’OMS a pu relever que ce type de comportements s’est aggravé pendant la crise sanitaire, et noter que « dans certains cas, l’âge a été utilisé comme seul critère pour déterminer l’accès aux soins médicaux et aux traitements d’importance vitale et justifier l’isolement physique ».

Harcèlement moral et faute de l’agent dans la jurisprudence administrative

Traditionnellement, les agissements visés au titre du harcèlement moral doivent être répétés et excéder les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Ainsi, « dès lors qu’elle n’excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l’intérêt du service […] n’est pas constitutive de harcèlement moral ».

Dans le cas de la faute commise par l’agent harcelé lui-même, la jurisprudence la prend en considération dans le cas de l’engagement de la responsabilité de l’administration, conduisant à son partage. En effet, « la circonstance selon laquelle l’agent contribue, par son attitude, à la dégradation des conditions de travail dont il se plaint, est de nature à conduire à un partage de responsabilité entre l’administration et l’agent ».

❌ A l’inverse, le juge administratif tend à rejeter la qualification de harcèlement moral lorsque l’agent a fait l’objet de procédures disciplinaires, à partir du moment où elles sont justifiées. Bien évidemment dès lors que l’administration est en mesure de justifier objectivement des raisons pour lesquelles elle a sanctionné un agent, fautif.
C’est le cas dans une affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Nancy qui démontre que l’administration, avant de révoquer son agent pour manque d’assiduité et de soin dans l’accomplissement des tâches, lui avait auparavant infligé, pour les mêmes motifs, toute la gamme des sanctions à sa disposition : deux avertissements, un blâme, et une suspension temporaire de 3 jours.

Enfin, le juge a pu retenir l’absence d’acharnement déplacé à sanctionner un agent dont les évaluations et notations font ressortir une indiscutable insuffisance professionnelle.

Jurisprudences harmonisées en matière de harcèlement sexuel sans répétition

Cela peut surprendre : traditionnellement le harcèlement s’entend de la répétition d’agissements.

📕 En effet, en matière pénale, dans sa version en vigueur depuis le 6 août 2018, l’article 222-33 du Code pénal dispose que « le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

🚨 Dès 2012, l’hypothèse de l’acte unique est envisagée puisque « est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».

🏦 Ainsi en 2014, le Conseil d’État estime que des agissements non répétés, dès lors qu’ils revêtent un certain degré de gravité, sont constitutifs de harcèlement sexuel.

💡 Mais la Cour de cassation va plus loin, puisqu’en 2017 elle admet que le harcèlement sexuel peut être constitué par un acte unique, y compris lorsque l’auteur du harcèlement n’a pas usé de pressions graves.

Actualité jurisprudentielle sur les VSS, une victoire pour les victimes

👩‍⚖️ Dans son arrêt de chambre (non définitif), rendu le 18 janvier 2024, dans l’affaire Allée c. France, la CEDH s’est prononcée à l’unanimité sur la violation de l’article 10 relatif à la liberté d’expression.

Et elle a condamné la France à indemniser cette requérante, qui dénonçait publiquement des violences sexuelles commises par son employeur et qui pour cela, a été condamnée pour diffamation.

La Cour a souligné la nécessité d’apporter la protection appropriée aux personnes dénonçant des faits de harcèlement moral ou sexuel dont elles s’estiment les victimes.
Ici, elle considère que les juridictions nationales, en refusant d’adapter aux circonstances de l’espèce la notion de base factuelle suffisante et les critères de la bonne foi, ont fait peser sur la requérante une charge de la preuve excessive en exigeant qu’elle rapporte la preuve des faits qu’elle
entendait dénoncer.
➡ En résumé, pour la CEDH, on ne peut pas demander à une victime d’apporter les preuves accablantes de ce qu’elle dénonce. Ce qui est d’ailleurs le principe en droit pénal français, avec un aménagement de la charge de la preuve en la matière…

Sur l’aspect diffamatoire des révélations, la Cour relève que le courriel envoyé par la requérante à 6 personnes dont une seulement était hors de la structure d’emploi, n’a entraîné que des effets limités sur la réputation de l’auteur présumé.

Enfin, et surtout la requérante avait été condamnée par les juridictions nationales.
Et même si l’amende était relative (500 euros en première instance), la CEDH indique que l’effet dissuasif d’une telle condamnation serait susceptible de décourager les victimes de dénoncer des VSS.

Une décision à suivre…


Réf. : CEDH, Aff. ALLÉE c. FRANCE, 2024, 001-230297

Quelques jurisprudences de la Cour de cassation en matière d’enquête interne

En droit privé, l’enquête interne est obligatoire pour tout employeur qui a connaissance de faits pouvant s’apparenter a minima à du harcèlement, moral ou sexuel.

A défaut, l’employeur commettrait un manquement à son obligation de prévention des risques professionnels sur le fondement des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail. Et le salarié pourrait obtenir réparation du préjudice, indépendamment de toute procédure intentée par ailleurs contre l’auteur du harcèlement, et quand bien même les agissements visés ne seraient in fine pas constitués. C’est ce qu’a décidé Chambre sociale le 27 novembre 2019.

L’éventualité de l’engagement tardif d’une enquête n’est pas non plus de nature à considérer comme remplies les obligations légales de l’employeur.
Ainsi, dans une affaire jugée en mars 2022, le déclenchement tardif d’une enquête interne, alors même que l’employeur était informé de faits anciens susceptibles de constituer un harcèlement moral, constitue une faute de nature à engager sa responsabilité.

Et la Cour de cassation a confirmé la même année, qu’une enquête interne, maladroite et partiale, constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Références :
Cass. Soc., 27 novembre 2019, n°18-10.551
Cass. Soc., 23 mars 2022, n°20-23.272
Cass., soc., 6 juillet 2022, n° 21-13.631